MILLAU-VID

 
 
Ce matin sous les halles, j’ai croisé Fabienne. Ce n’est pas habituel. En réalité, on ne se croise jamais. Et là, en si peu de temps, deux fois de suite, le temps d’échanger entre deux étals, une tranche fine d’un petit bout de vie confinée. Le temps qu’elle me donne le contact de sa sœur Marie, une artiste plasticienne reconnue qui en ces temps d’introspection ouvre quotidiennement un petit atelier d’écriture.
Au 25ème jour du confinement, celle-ci débutait son message par ces mots : voici la consigne, écrire un poème commençant par «je te l’ai dit…comme «je te l’ai dit pour les nuages« de Paul Eluard.
Pour accompagner ces photos prises dans les rues de Millau lors de la quatrième semaine du confinement, j’ai pris mon stylo et moi-aussi, je me suis jeté à l’eau…
 
Je te l’ai dit pour les masques,
Ca n’évite pas les grimaces, ça n’évite pas les bourrasques.
Je te l’ai dit pour les gants,
Ça ne desserre pas les carcans, ça n’évite pas les ouragans.
Je te l’ai dit pour les distances,
Ca ne supprime pas les confidences, ça ne supprime les défiances.
Je te l’ai dit pour le gel,
Ca ne recolle pas les vieilles semelles, ça ne colmate pas ce grand bordel.
Pour les visages écarquillés, les regards familiers,
Pour les mains gercées, les phalanges tétanisées,
Pour les pieds martelés, les orteils ankylosés,
Pour le vent, l’air, le souffle respiré, empoisonné.
Je te l’ai dit, tu m’as dit «approches toi»
Je lui ai dit «embrasses moi».
Texte écrit le vendredi 10 avril 2020 et photographies réalisées dans Millau et les Halles la quatrième semaine du confinement