admin3528

14 novembre 2020

Tu leur diras que je meurs en bon Français

  « TU LEUR DIRA QUE JE MEURS EN BON FRANCAIS »   L’Aveyron fut durement touchée pendant la guerre de 14 – 18 perdant près de 14 500 de ses fils sur le front. Le village de St-André de Vézines tout comme le hameau de Montméjean et la ferme de Roquesaltes ne furent pas épargnés. 29 jeunes hommes pour la plus part agriculteurs dans de petites fermes familiales vont perdre leur vie précipitant l’exode rural. Aujourd’hui que reste-il de ces histoires dramatiques ? Rencontre avec Marie-José Cartayrade, la mémoire du village.   La lettre débute ainsi « Mon cher Jean ». Elle est datée du 23 octobre 1915, Clément Cambournac, médecin aide major seconde classe engagé sur le front avec la 37ème division écrit ces mots à destination de son oncle : « J’ai eu une veine insensée. L‘obus qui a blessé mes 3 camarades est tombé plus près de moi que d’eux, c’est-à-dire à 2 mètres environ, et je n’ai pas eu une égratignure. Avec quelle ferveur j’ai remercié la Providence de m’avoir ainsi préservé. Il s’en est fallu de peu que tu ne revoies pas le fils de mon père ! Sur ces entre fait, arrivent les attaques. Il a fallu, avec ce groupe de brancardiers mutilés, organiser un service et faire un travail bien plus considérable et dangereux que ce qu’on avait fait jusque-là. Le médecin-chef arrivé au groupe quelques jours seulement avant l’attaque m’a chargé d’abord d’une moitié puis de la totalité du groupe. Je me suis trouvé à la tête de 150 brancardiers […]
10 mai 2020

On est enfin demain, ça fait du bien !

  LARZAC-VID Ce soir, je l’avoue, je suis allé au Pompidou, J’suis arrivé tard, dans une lumière chien loup. Devant moi, des herbes sèches et chancelantes jusqu’aux genoux, J’étais là pour me vider les poches et jeter des cailloux. Au Pompidou, le monde n’a pas de toit, quelle plus-value, Tu peux chercher, tu peux fouiller y’a pas de portes non plus. Y’a pas de plafond, rien…Le ciel, c’est comme un lagon, Tu plonges sans harpon, tu peux narguer tous les hameçons. Tu ne crains rien, le Pompidou, c’est une descente de lit, Y’a bien des chardons, cendrier ébréché, échoué sur ce parquet mal dépoli. Tu ne sens rien, la nuit se dépose, poreuse, peureuse, en papier buvard, Sans abeilles pour jouer les lunes de miel, tu peux tout dire, il n’est jamais trop tard. La trotteuse se balade, il est déjà minuit moins le quart. Les ombres sont cafards, les mots sont bavards. Une seule nuit suffit au jour du lendemain, Y’a pas besoin d’aller plus loin, tu peux te sentir bien. T’es sûre d’aller plus loin ? Y’a pas de tremplin, Laumet c’est loin, J’ai pas de briquet, tout se ressemble, je serre les poings. Dans les buis, y’a d’vieux fours à charbon de bois, je sais, on peut s’y retrancher, On peut tout imaginer, toi et moi dans ces grands cerceaux de fer rouillé. Je colle à tes reflets, ton collier de paillettes, des micas de pacotille, Sans retour sur soi, nuit docile, c’est bien assez pour trouver […]
6 mai 2020

Des vaches, y’en aura toujours !

MILLAU-VID et LAISSAC- VID   Depuis le 7 janvier, chaque mardi, chaque matin, 5 heures sonnées, je prends la route de Vaysse Rodier, direction Laissac. Cet hiver, je l’ai connue enneigée, verglacée, simplement embrumée. Mais je l’ai surtout affrontée méchamment noyée dans un épais brouillard, à rouler le nez sur le volant à espérer vivement que ce drap blanc se déchire en plongeant dans la descente des Palanges fantomatique et hypnotique. C’est une route un brin joueuse et malicieuse. Elle peut surprendre les petits malins. Elle est sournoise et hasardeuse car mine de rien, du haut de ses 1000 mètres d’altitude, passé la Croix des Pathus, elle prend tous les vents, tous les mauvais grains, les premières neiges voltigeuses et accrocheuses, les brouillards les plus insistants sur cette croupe assagie mais si mal léchée. Très franchement, la RD 26 ne craint ni les rhumes, ni les engelures.   En ce 50ème jour du confinement, pour la première fois, j’ai pris la route jour naissant pour arriver à Laissac au grand jour réjouissant dans une belle lumière rasante, éblouissante. Le marché aux bovins avaient donc repris ses habitudes après six semaines en sommeil. J’ai vite retrouvé mes habitudes. Sortir les bottes, agrafer son badge puis longer les camions à cul fumant empestant dans l’attente de rentrer dans l’enceinte du foirail. Le bistrot, La Patche, était ouvert, j’ai rencontré Claire. C’est la patronne, une épaule collée à l’embrasure de la porte. D’ordinaire, le bar est déjà noir de blouses noires, bruissement sourd, […]
4 mai 2020

Et bien dansez maintenant !

  MILLAU-VID   Un 1er mai sans muguet, ce n’est pas un 1er mai, un 1er mai sans manif, sans pancarte CGT et l’Huma sous le bras, ce n’est pas un 1er mai, un 1er mai sans le souvenir de Georges Marchais, ce n’est pas un 1er mai, un 1er mai sous une flotte à grand rideau, ce n’est pas un 1er mai. Car pour un 1er mai, on a envie de mordre dans un printemps moelleux et savoureux comme une part de flanc. Sentir la pâte brisée craquer sous la dent, deviner le parfum de la vanille puis doucement sur la langue, sentir couler le caramel épais avant de mordre tendrement cette crème épaisse et légèrement vibrante. Je suis arrivé à Micropolis sous une pluie couleur vinaigre blanc, jouant la rumba à grands fracas sur les vérandas de ces belles maisons s’étageant sur les coteaux de St-Léons, le château se devinant en contre bas, belle forteresse qui invite aux envolées romanesques. Micropolis, il faut s’y rendre avec une âme de bambins, une épuisette à souvenirs sur l’épaule. Des sensations, des gratouillis, des mimines, des vols intrépides, de maudites piqûres parfois. Il faut avoir tenu un hanneton vous chatouillant le creux de la main ou se faire pincer le bout du doigt par une lucane. Il faut avoir admiré la menthe religieuse se pavaner, fière et altière. Il faut avoir fait un vœu au décollage d’une coccinelle, légère comme de la dentelle. Il faut avoir admiré de loin l’apiculteur récolter […]
3 mai 2020

Et merde, si rien ne changeait

  MILLAU-VID   Il n’y a rien de perdu, la route est encore là. Elle est droite, elle est courbe, elle est belle, elle est tunnel, Elle nous résistera. Il n’y a rien de perdu, la rivière est encore là. Elle court, elle ralentit, elle est rebelle, elle fait la belle, Elle nous résistera. Il n’y a rien de perdu, les villages sont encore là, Peyre, Candas, Le Pinet, Le Truel, Ils nous résisteront. Il n’y a rien de perdu, les barrages sont encore là, Arcs de béton, remparts en escadron, Ils nous résisteront. Voilà, j’ai repris la route, devant moi, Enfin, je n’étais plus hors la loi. J’ai posé le stylo, des doutes au kilo, Au tapis, un gros tas de dominos. Je rêvais d’un Giro, d’une belle envie, d’un perpète-les-oies, J’ai serré les cales pieds, je ne me suis pas dit «là, tu fais quoi ?» J’ai lâché les freins, j’ai filé droit, J’ai lâché la bride, sans m’dire pourquoi ? J’ai embarqué un paquet de mots bien ficelé, Au cas ou, pour botter le cul aux reflets déjantés. J’ai embarqué un chapelet de refrains à libérer, Au cas où, pour gifler les joues creuses des mauvaises pensées. J’ai roulé, j’ai roulé, j’ai roulé, J’ai croisé des hérons cendrés, leur liberté, je l’ai enviée. J’ai roulé, j’ai roulé, je n’ai jamais freiné, J’ai croisé le silence, j’ai pensé à tous les évadés. J’ai roulé, j’ai roulé, sans me retourner, sans réfléchir «là tu fais quoi ?» La rivière […]