MILLAU-VID 14h30, le téléphone a vibré comme un hanneton coincé dans le creux de ma main. Le message était le suivant «désolé, changement de lieu et d’horaire, rendez vous à 14h50 du côté du Vieux Moulin». J’ai pris mon sac, mon calepin, mon bonnet, mon masque et j’ai filé le long des quais par la rue des Ondes. Jérôme et Pierrette sont arrivés de la gauche par la rue de la Tannerie, lui masqué et encapuchonné, elle cheveux aux vents, recroquevillée sous un frêle manteau de mi-saison, tenant fermement, les deux mains jointes ,une vaporette comme un objet précieux, un talisman aux vertus inconnus. Nous nous sommes assis sur le parapet, nous avons parlé. Jérôme et Pierrette sont infirmiers psy au Centre Médico Psychologique de Millau, elle depuis 25 ans, lui depuis 15 ans. Ils travaillent en binôme, Jérôme précise «à deux c’est mieux pour apprécier le danger». Ils viennent juste de rendre visite à Joachim, un patient, une grosse demi-heure, pas plus, pour ne pas être intrusif, ni persécuteur. Ils expliquent « Il faut vite évaluer s’ils sont en capacité de nous accueillir, s’ils ne sont pas envahis. Un exemple, s’ils portent des lunettes de soleil, c’est qu’ils sont très mal. Notre quotidien, c’est l’observation, nous les connaissons depuis longtemps ». Avec le regard, les gestes, pour estimer s’ils sont bien ou non. Pour écouter et non pas comprendre «nous sommes juste une béquille». Joachim comme 27 autres patients pour la majorité d’entre eux schizophrènes, vivent en […]