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29 mars 2020

Que va-t-il nous rester de ces airs de Douala ?

  MILLAU-VID   Petite ballade autour de la Pouncho et dans Millau, le jour où j’apprends la disparition de Manu Dibango à l’âge de 86 ans, emporté par le virus. Quelques mots rien que pour lui que j’ai tant aimé et écouté.   Une Pouncho sans Manu Dibango, Boss, ta bien droit à un dernier coup de chapeau. Sur Baobab Sunset, T’avais fait main basse sur le makossa, Merci, dans Bolingo City, on s’est gavé à grands fracas. Une Pouncho sans Manu Dibango, Boss, j’vais encore m’enfiler un verre de porto. Déjà que Francis Bebey nous a filés dans les doigts, Que va-t-il nous rester de ces airs de Douala ? Une Pouncho sans Manu Dibango, Boss, t’as joué du twist, du blues, du funk, du mambo, mambo. T’as même accompagné Nino Ferrer et Gainsbourg, Mais putain aujourd’hui, dernier rideau, sans ton saxo, c’est peut être le grand jour, mais c’est sans retour. Une Pouncho sans Manu Dibango, C’est comme Soweto sans Ladysmith Black Mambazo. Boss, t’étais un costaud, t’as même failli de faire piller par Rihanna, Mais là haut, tu peux lui faire un doigt, tu seras toujours Mister Black Makossa.     Textes et photographies réalisés le 24 mars 2020 dans les rues de Millau au 8ème jour du confinement
29 mars 2020

« C’est ça le service public »

  MILLAU-VID   J’ai bien failli louper le bus. Je l’ai vu au loin rentrer dans l’impasse du Lycée Jean Vigo, j’ai pressé le pas. Comme un parisien perdu en chemin, j’ai demandé « La ligne 2, c’est bien celle-ci ?». Le chauffeur intrigué me rétorquant « c’est bien à Géant que vous allez ? ». Les portes se sont fermées. Je me suis mis le nez à la fenêtre. Cap sur Géant, il était 14h10 départ pour un petit voyage gratis. José, c’est le chauffeur, vingt ans de métier, à trois mois de la retraite. Dans une autre vie, il fut cuistot, neuf ans à l’International Hôtel, du temps de Madame Hélène la cheffe de rang, du temps de Maria la serveuse, du temps où cette bonne table attirait les bourgeois de la ville, gantiers, avocats, médecins et chirurgiens endimanchés, femmes en jupes plissées et corsages à fleurs sauvages. Entre deux ronds points, José de se souvenir, le nez sur le volant «on ne comptait pas nos heures. Parfois 17, 18 heures, fallait tenir la cadence». A trois mois de la quille, José roule tranquille. Déjà le Mandarous, pas un chat, on grimpe la République, une petite musique s’échappe de l’avant du bus «j’aime bien Nostalgie ». Balavoine chante «je ne suis pas un héros»…12 minutes top chrono, on est déjà sur le parking de Géant Casino. Le bus retour est à 16h, j’ai une heure trente pour arpenter ces parkings orphelins, ce goudron qui ne craint pas le trop […]
27 mars 2020

Les Templiers, au pays des 4L

  MILLAU-VID   Les grands causses confinés, c’est quoi ? Reportage photographique réalisé le jeudi 26 mars 2020, au dixième jour du confinement en empruntant la route des Templiers. Ce matin, le causse était poudré comme un gâteau marbré. Juste une fine pellicule de neige, juste soufflée, juste semée avec une telle délicatesse comme lorsque l’on jette une poignée de riz d’un revers de la main sur la robe d’une mariée. Etait-ce le dernier petit caprice d’un hiver nonchalant ? Juste une dernière petite provocation avant de tirer sa révérence ? Franchement, la Pouncho comme passé au tamis, couronnée d’une fine couche de sucre glace saupoudrée, c’était réussi. Je suis donc parti sur la route des Templiers avec cette petite carte postale en tête, comme imprimée sur le coin gauche de mon pare brise, laisser passer éphémère, pour cheminer sans blanc seing sur ces causses tant désirés, eux aussi confinés. J’ai laissé derrière moi l’aire de départ des Templiers et cette image froissée, raturée d’une édition avortée. Ce 19 octobre 2019, nous avions pensé vivre le pire, cueillis par un tel désarroi, finalement, le pire était à venir. Nous avions vécu une journée noire…finalement, le noir était à venir. Puis nous avions traversé des semaines ensablées…finalement, les sables mouvants étaient à venir, sous nos pieds, nous la génération des soixante glorieuses, de la libre pensée, de la libre circulation, de la libre économie, de la libre bonne santé, du libre courir. «Gilles j’aimerai que tu me donnes un conseil». La […]
27 mars 2020

Y’a pas à rougir, on produit pour soit, on vend pour toi

  MILLAU-VID   Ce matin les Halles, ce n’était pas Baltard. Visiblement, les Millavois étaient restés au plumard. Pas de petits noirs, les coudes serrés, pas de tournées, le coude levé. Le bistro était fermé, sur le comptoir, un pot de fleurs fanées. Le bar à vin lui aussi fermé, sur le comptoir, deux tabourets renversés. Un vendredi gueule de bois, des marchands sans voix. Ce matin les halles, ce n’était pas la Villette. Des emplettes vite faites, la balance d’un poissonnier dans le vide en suspens, des couteaux plaqués contre le mur, dans le vide aimantés. Poids affiché 000,00 kilo, prix affiché 000,00 euro. A l’inverse, à La Ferme d’Ambias, on fait le chiffre. On garde le sourire, y’a pas à rougir, on produit chez soit, on vend pour toi. Ce matin les Halles, ce n’était pas Rungis. Des étales en éclipses, le jardin de Cheyran en vase clos. Dans un bac à légumes, un Journal de Millau défraîchi couleur pissenlit, une édition en plein cœur des élections. Les Municipales ? Euh….c’était quand ? Un siècle déjà ?     Texte et photographies réalisés vendredi 27 mars 2020 aux Halles de Millau au 11ème jour du confinement
24 mars 2020

La nuit, la ville est fragile comme une meringue

  MILLAU-VID   Millau la nuit…. Y’a qu’un putain de silence pour chasser les ragots, Y’a encore trop de schizos, des paranos, esseulés, des accros, beaucoup trop, La langue chargée, de la morphine pour glisser dans le vide, La nuit, on creuse le vide, on compte ses rides. Millau la nuit.. Y’a plus de p’tits sourires, même une petite seconde, Y’a plus de flics qui parfois roulent en trombe comme pour un vol de Joconde, Y’a plus d’hommes le dos rond, tirant sur une blonde, La nuit n’est plus féconde, j’ai peur d’une hécatombe. Millau la nuit… Y’a plus de marguerita qu’on mange avec les doigts, Y’a plus de tacos, franchement, y’a pas d’quoi être aux abois, Y’a plus de burger, frites, coca, T’inquiète, la nuit, la ville fait encore du gras. Millau la nuit… Y’a même plus un seul homme pissant la bière, Y’a même plus un seul chat de gouttière, Y’a q’des ronds points qui tournent en rond, La nuit, pitié pour mes voisins, j’aimerai crier et souffler dans un clairon. Millau la nuit… Y’a plus de dingues qui roulent comme des dingues, Y’a plus de jeunes dans la picole, dans la déglingue, Reste des insomniaques muets et sourdingues, La nuit, la ville est fragile comme une meringue.    Texte et photographies, Millau le 21 mars 2020 au 5ème jour du confinement