admin3528

17 février 2020

« Non, ici on consomme sur place »

  Bon ! Le take away à Aubrac, plus exactement chez Germaine, cette vénérable institution de la gastronomie locale, ça n’existe pas. Faut-il s’en offusquer ? Sûrement pas. Mais la tarte aux fruits rouges de chez Germaine qui frétille de son épaisse gélatine sous mes narines.… !!! Je la sentais déjà couler lentement, doucement, à savourer ce grand câlin d’un rouge carmin, avec ce pic de sucre à vous rendre diabétique. Je me léchais déjà les gencives noircies par la myrtille sanguine, à croquer ces pépins taquins et leur petit goût acidulé lorsque la pulpe craque sous la dent. Remballé mon gars. Ici, c’est pas Starbucks. Pourtant, ce n’est pas faute de connaître le vieux monsieur qui devant moi, essuie ses verres au torchon à carreaux, immuable derrière son bar depuis…. ? Combien de décades ?? Allez savoir, sur l’Aubrac, la retraite, c’est parfois une notion très abstraite, comme une ligne d’horizon floue qui se dérobe et se recompose au loin à chacun de vos pas vers le grand Nord. Celui-ci de me répondre, la tête penchée «non, ici on consomme sur place».   Sur l’Aubrac, il y a toujours une bonne raison de desserrer la ceinture, la serviette coincée dans le col de chemise, le couteau Laguiole en bois de frêne estampillé Calmels dans la main droite et main gauche la fourchette qui s’impatiente pour jouer les amuse gueules. On est toujours prêt à pousser la chansonnette.  Sur l’Aubrac, la gourmandise, c’est une emprise en toute franchise, de la cassolette de cèpes à la […]
16 février 2020
Festival des Templiers

Il faut peu pour lancer une idée

  Une pièce froide, un lino luisant, plus rien dans les coins. Au plafond, juste une ampoule pour éclairer cette petite chambre de gentil garçon et puis ce carton. Là, posé là…comme une valise abandonnée, dernier signal, là, en bout de quai. Dernier trait d’union, comme une dernière pelure d’oignon à peler, à pleurer, déconfis, vie en confettis. J’ai fouillé, j’ai feuilleté, des petits cahiers Héraklès. Odeur de carton humide, de papier mâché. J’ai saisis le premier, couverture rose, papier velin neige, 48 pages. Quelle classe ? C’est écrit sur la première page, lettres parfaites au rotring, année scolaire 1968 – 1969, 4ème M2 1, CES de Mehun sur Yèvre, entre parenthèse (mixte). Au milieu de la pile, un petit cahier, même format, couverture verte, le scotch a jauni mais reste collé aux quatre coins. Page 6, un cours de secourisme «comment apprendre à faire une piqûre ?». Défraîchi, jauni, vieilli, couverture kraft, un cahier de chant, des chants du Berry. Belle écriture à la plume, pas vraiment mâture mais sans rature. Fin d’année 68, j’écoutais Jimmy Hendrix, l’album «Electric Ladyland» la nuit chez Blanc Branquart, planqué sous la couette, les pieds dégivrés sur une chaufferette. La même année, debout, intimidé, devant Monsieur Carré, un prof aimable comme une pierre tombale, je fredonnais,  droit comme un piquet, poitrine ouverte »je n’avais qu’un épi de blé». Le grand écart, décollage assuré, atterrissage déjanté. A genoux sur le lino, j’ai classé le tout, trois piles, les cahiers, les livres et une collection […]
10 février 2020

Avis de tempête sur le camping des crosseux

  Camping éphémère, en pleine terre, le camp des crosseux, c’est un jardin sans allées ni enclos, au milieu des broussailles, sans épouvantails. Anarchique et bordélique. Sans permis de construire, juste le droit d’y courir et de discourir. Avec ses collines de sacs, ses montagnettes de survets. Un Décathlon à ciel ouvert et ses Quechua gonflées, arrimés, alignées, sardines contre sardines. Sans eau, sans lavabo, sans pissotière, juste un buisson, un tronc, pour pisser là où l’on peut pour se vider le pneu. Au camping des crosseux, même en banlieue, on passe un dimanche à la campagne, bottes aux pieds s’il le faut. On mange le cul par terre, frites, merguez et coca, cakes, ships et Haribo pour soigner les p’tits bobos. On s’échauffe, plein champ, pleine terre, là où on veut, là où on peut. Une allée, une contre allée, bon sang qu’on se sent mou, on n’est pas là pour faire joujou. Putain, j’me sens bien, au moins, j’vais pas jouer les bouche-trous. Au camping des crosseux, il y a le clan des p’tits et des puissants. Pas besoin de cadastre, faut juste compter ses pas. Deux mètres carrés au sol pour une Quechua qui se déplie en un seul claquement de doigts, ça c’est un petit club et ses deux trois qualifiés guère plus. Un barnum de seize mètres carrés, ça c’est un gros club. Ca compte les points, les places, ça sent le France à plein nez comme une bonne odeur de fumier. Avec ses leaders, […]
27 janvier 2020

Juste une pincée, salée, sucrée

  Voix divine, effilée, aiguisée au fusil diamant, la voix de Christophe, c’est un aimant transperçant. Sifflement strident d’une flèche perdue. Bruissement larmoyant d’une pluie de verre concassé. Elle vous crucifie sans aucune pitié. C’est un vol de flamands roses, en rafale, en cabale. Elle vous aspire, elle vous brasse dans une spirale de mille octaves. C’est un flirt avec le vide, sous vos pieds, un voile opaque de paraffine, c’est si fragile. Route de Peyre, j’écoute Christophe en duo avec Arno «Dans ma veste…De soie rose…Je déambule morose…Le crépuscule est grandiose…». Je suis d’une humeur gaie, la mélodie glisse dans mes tympans, grinçante. Danger, c’est du verre pilé, je suis en prise, je glisse allègrement. Docilement, je fais allégeance à la beauté des mots. Arno chante rugueux, fiévreux, d’une lente mélancolie infinie, syllabes martelées, voix rauque ruinée par mille fagots de vieux mégots «Peut être un bon jour…Voudras tu…Retrouver…Avec moi…Les paradis perdus». Comprégnac, je rentre dans la salle des fêtes. Je croise Christophe habillé d’un rose soyeux, jambes nues, poilues, torse nu, poilu. Ce n’est pas le Christophe «dans sa veste de soie rose», le dandy électro pop miné par la mélancolie, longues et maigres phalanges ricochant sur le clavier. Devant moi, inattendu, c’est le Christophe de nos champs et campagnes, le Christophe de nos villages, de nos rivages, dans cette vallée du Tarn qui redoute l’étiage.  Ce n’est pas le Christophe «qui déambule morose», lunettes fumées, regard embué, «le regard qui désarme». Christophe, devant moi, torse puissant, n’appuie […]
23 janvier 2020

Ca vaut bien un verre de vin chaud !

  Je me souviens des frères Spanghero surtout Walter, Walter le laboureur, le déménageur, «l’homme de fer», immense mégalithe, virtuose au corps de granit. Je me souviens également des frères Camberabero, surtout Guy, le «Lutin de La Voulte», un fin limier, petit poucet aux pieds d’or pour transformer l’ovale en trésor. Mais je l’avoue en dehors de cela, les années empilées sur une aiguille à tricoter, ma culture rugbystique est toujours aussi plate qu’un vieux tube de pommade camphrée vidé sur des muscles ankylosés. Je suis donc parti à Séverac le Château avec pour seuls provisions ces deux noms qui ont toqué à la porte de mon enfance, les jours de Tournoi des Cinq Nations. Je me souviens, juste un volet tiré sur ce passé, lorsqu’une pénalité était sifflée, quelque soit le camp, celui du Coq, du Trèfle ou de la Rose, j’allais me cacher dans la chambre de mes parents. Je fermais les yeux, je me bouchais les oreilles, je comptais jusqu’à 100 et je revenais m’assoire devant le petit écran. Heureux ou malheureux ? Je gardais toujours quelques carrés de chocolat au cas où pour adoucir les échecs, je n’étais pas si malheureux que cela ! Séverac le Château joue au stade de la Cartonnerie bordé d’une traditionnelle rangée de peupliers, le camping municipal en contrebas, quelques pavillons bâtis aux premières loges et le château médiéval, la fierté du village, posé sur son trône, vestige préservé en tour de vigie sur son talus aux angles aigus. J’ai payé […]