admin3528

22 octobre 2019

Sans bougies à souffler

12 heures 30, BANG BANG, les vitres tremblent, face à nous, de l’autre côté de la rivière, quartier Belluges, un nuage de fumée s’échappe d’un toit. Nous sommes médusés, les bras ballants, le souffle coupé, le silence dans les rangs. Une maison prend feu. Consternation dans l’équipe, chacun se regarde avec cette petite lueur dans les pupilles qui ne ment pas, sentiment fort, puissant d’avoir pris très justement l’unique et bonne décision en ce jour de Templiers. Ne pas dépasser ce fil rouge invisible au-delà duquel vos pieds glissent dans le précipice, nous n’avons pas cédé. Une organisation, ce sont cent, mille petites et grandes décisions dans le cœur de l’action. En ce jour de Templiers, une seule, juste une seule fut prise, décisive, l’annulation. Au loin, la fumée se fait plus dense, on devine parfaitement un point rouge, les pompiers sont en action pour sauver cette habitation. En direct, c’est du Brut, les langues font la java, commentaires et bandes son en live. Pour autant, faut décoller le nez de la vitre, le temps presse, nous sommes sous pression pour recomposer l’équipe, une grande chaîne de solidarité, les fidèles des fidèles, des bénévoles d’un jour pour toujours, le bas de pantalons détrempés, les pommettes rougies, la mise en plis raplapla, la mèche collée, le moral dans les chaussettes, la barbe de deux jours qui n’arrange rien aux mines déconfites. J’interpelle Alain «mais Alain, on ne va pas enterrer les Templiers». Il a redressé son petit bout de nez, on […]
29 septembre 2019

La bataille de Tiergues

Le rond point de Lauras ? Allez, il n’est guère qu’à deux cents mètres. Un demi cercle à gauche, et ces petits diamants scintillants, étoiles éphémères en rase motte reprennent l’axe d’une route plongée dans le noir. Minuscules lucioles tremblotantes, petites têtes d’épingles comme aimantées, aspirées par un puits de lumière «phéromone». Ces deux cents mètres, « bon dieu » comme disent les anciens, qu’ils sont longs avant que nous devinions de fragiles silhouettes. Des voûtées, des tordus, des marches droit aux pas cadencés, des regroupés en petits chapelets, des mains sur les hanches, ces anonymes des cent bornes, des hommes, des femmes qui l’instant d’un grand jour dépassent les bornes. Le col de Tiergues, c’est là que se gagne la bataille des cents bornes. Contre un seul ennemi, soi même. On peut se détester, on peut vitupérer, on peut s’engueuler, on peut en vouloir au monde entier, ya rien à faire, on est bien seul plongé dans sa douleur, dans sa solitude, dans sa misère, au beau milieu d’un nul part. Bientôt minuit, à St Aff., les portes ont couiné sur leurs gonds, elles se sont refermées sur les attardés. Pour les autres, les malgré tout, bien heureux,  c’est le demi tour, ya plus qu’à rentrer par cette longue ascension du col de Tiergues, à avaler, à vomir comme un mauvais sirop amère, où chacun, chacune traîne son gros boulet. Sous les tentes du ravitaillement, les bénévoles ont fini de chanter les tubes à la Balavoine, la daube de veau (en réalité, […]
5 septembre 2019

Devoir de mémoire

Giovanni Parodi était membre du parti communiste italien. Cesare Salvestroni était fondateur du  parti Action Anti-fasciste. Raffahelo Giolli était critique d’art. Guiseppe Pagano était rédacteur en chef du magazine Casabella. Carmine Berera était membre du cercle des « Libres Penseurs ». Sur ce mur long, blanc et froid, des photos incrustées, des plaques gravées et scellées, des médaillons, des ornements, des fleurs séchées. Juste un nom, un visage, une date de naissance, une année de décès. 1944, 1945, le plus souvent, sans date précise. Sur la droite, une photo attire le regard plus que d’autres. Un médaillon légèrement bombé, en porcelaine blanche et laiteuse, rivé à la pierre. Un nom, celui de Guido Ghizzi, né le 15 juillet 1902 à Guidizzolo, une petite ville de la province italienne de Mantua en Lombardie, exécuté par les nazis le 28 mars 1945 dans le camp de la mort de Mauthausen, cette forteresse de granite construite sur les hauteurs du Danude dans une Autriche alors annexée à l’Allemagne. Le destin de cet homme ? Il n’y a plus aucun secret sauf pour les salauds de négationnistes. Il fut raflé, parqué, affamé, humilié, méprisé, dépouillé et enfin gazé…ou…asphyxié, ou torturé, ou noyé, où brûlé à vif sur les clôtures à haute tension, ou battu à mort, où infecté par un virus…nul ne sait. Nul ne saura. La vie de cet homme au regard sombre ? On peut tout supposer, figé et malmené, au pied de ce mur aux larmes séchées. Il a sans doute aimé sans hésiter, espéré […]
14 juillet 2019

La Cavalerie, une cérémonie sans chichi

C’est reparti pour un second Tour de France ou Tour de l’Aveyron, c’est encore à décider. Première étape, la ville de garnison de La Cavalerie sur le Larzac qui abrite depuis trois ans la Légion Etrangère. Jour de fête locale, son manège, ses auto-tamponneuses…jour de fête nationale, des petits drapeaux, des élus sur leur 31, un discours engagé, un petit bataillon au garde à vous, le fusil à l’épaule, une fanfare son clairon et sa grosse caisse, deux gerbes à poser sur la dalle du monument aux morts et…et… l’apéro…sans chichi…avec ou sans pression.   Photographies réalisées le 14 juillet 2019 à l’occasion des cérémonies de la fête nationale  et de la fête de La Cavalerie (Aveyron – France)
26 avril 2019

Coup de gong pour Ladies on the ring

  Elle était appuyée, debout, le dos au mur, son visage se reflétant dans un petit miroir carré, placé là, sans vraiment savoir pourquoi. «C’est mon deuxième combat» dit-elle intimidée. Je ne lui ai pas souhaitée bonne chance de crainte d’amplifier les doutes, les peurs et la superstition. Puis elle est allée s’asseoir sur une chaise, seule à l’écart du ring, les deux mains sur les genoux, le regard dans le vide. Dans l’attente de mettre les gants et d’ajuster le casque. A l’énoncé de son nom, elle s’est levée pour rejoindre le coin bleu. Deux poings bleus, casque bleu, elle s’est glissée entre les cordes. Elle salua son adversaire, elle s’est reculée et sans même le temps de plisser les yeux, une pluie de coups est tombée, des une – deux en batterie, en rafale, brutal. Le round a duré plus qu’il ne fallait. Une serviette a volé au centre du ring pour abréger ce mitraillage en règle. Il était temps. Elle est sortie du ring. Au pied de l’escalier, elle s’est tenue droite et muette devant l’entraîneur comme une communiante qui aurait fauté. Celui-ci a eu ces mots « c’est ça la boxe ».   Photographies réalisées à Montpellier, gymnase Lachenal, lors du Ladies Boxing Tour le samedi 20 avril 2019