En mobylette sur le Larzac, destination Mas Razal

Ce dimanche, Justine Wojtyniak et Stefano Fogher invitaient sur leur scène du Mas Razal, la compagnie « le plus petit espace possible » pour leur spectacle « Mobylette ».

«Mais par où tu es arrivé toi ?» En descendant ce long escalier de bois où un chat se prélassait entre deux marches, Justine m‘interpella, assise sur une petite chaise, le visage éclairé par un beau soleil, invité salutaire aux airs printaniers. Auprès d’elle, des objets particuliers, décor singulier, un pot d’épis séchés, une mappe monde, un chapeau haut de forme posé en équilibre sur un abat-jour, le crane d’une brebis, une petite boîte rouge, coffret à ranger des secrets. Et puis, devant elle, ce petit cahier dont elle tournait les pages ouvertes sur la liste des convives et conviés.

Je n’étais pas le premier arrivé, mais presque. La maîtresse de maison griffa mon nom, je lui versai mon obole et posait mes fesses dans le creux d’un divan moelleux, invitation, je supposais, à la délicatesse des après-midi paresseux.

J’étais donc au Mas Razal, ce lieu de résistance et de liberté artistique. Les jambes allongées à observer les invités, pour la plus-part des habitués, la nouvelle garde du plateau et quelques visages connus, vieille garde de la lutte du Larzac que Justine embrasse à la manière de nos grands-mères, l’étreinte maternelle et charnelle.

Au-dessus de ma tête, un petit écriteau noir punaisé sur du lambris, je me suis levé pour en lire le message manuscrit »c’est bien la pire folie que de vouloir être sage dans un monde de fous».

Vivre au Mas Razal, il ne faut pas être sage. C’est une simple évidence. Faire vivre un lieu de création artistique niché dans un sotch bordé de petits chênes maigrichons au bout d’une piste menant dans un nul-part ailleurs, il ne faut surtout pas être sage.

Justine et Stefano vivent dans ce corps de ferme caussenarde retapée. Dans un décor épuré s’offrant aux grands vents, démesurément, source de liberté retrouvée, source d’inspiration jaillissante et de création inspirante.

Justine, comme metteuse en scène, est une vagabonde des mots. Aujourd’hui, dans ce petit théâtre, boîte noire pour que jaillisse l’imaginaire, l’utopie, le rire, la poésie, ses invités sur la scène sont des vagabondes des sons. Elles ne viennent pas de bien loin avec leur attirail de quincaillers et de bricoleuses avisées, de Fontvive, une ancienne gare sur la ligne abandonnée Tournemire – le Vigan où fut créée en 2009 leur compagnie « Cie Le Plus Petit Espace Possible ».

Lorsque Justine dans ses réalisations, malaxe les mots, les âmes, la chair et les corps pour écrire des ballets parlés, dansés, chantés, Elise, Séverine et Lise et son petit air pincé à la mime Marceau triturent quant à elles les sons devant un parterre de bout choux interloqués. Pour un voyage sifflotant, pétaradant et grésillant mis en lumière par Sarah, c’est parfois tonitruant dans les graves, parfois frissonnant dans les hyper aigus. Au milieu d’un beau fourbi très ordonné, en soufflant fort pour chasser les mal-pensants, elles se veulent décortiqueuses et agitatrices de sons et d’émotions pour enrichir les cœurs sensibles. Elles sont tout sauf être sages !

Photographies prises le dimanche 16 février 2025 à Mas Razal (Larzac) dans le cadre du spectacle Mobylette.