« Tu veux manger ? Attends, elle va te montrer ». Dans la pénombre de ce juke joint, l’homme courtois prenant soin de mon estomac et de mon manque de caféine, c’est Jimmy Duck Holmes. Mais je ne le sais pas encore. Une jeune dame écroulée sur sa chaise se redresse dans un demi sommeil et m’invite à la suivre en trainant la semelle. Nous sortons, nous passons dans l’herbe encore humide, nous tournons à gauche au coin d’une gargote aux planches mal ajustées. Devant le petit comptoir en bois, elle me dit « c’est là « . Je suis donc à Bentonia, la ligne de chemin de fer reliant Chicago à La Nouvelle Orléans à ma droite et le Blue Front Cafe à main gauche. En revenant chargé de deux boîtes plastique contenant une omelette, du porridge et 2 toasts, l’homme bienveillant m’accueille à nouveau « prenez la place qui vous convient et au fond, vous avez le café, c’est gratuit ». Je ne pense pas me tromper mais le vieil homme semble bien être celui présent également sur les affiches, posters, coupures de presse jaunies, exposés sur tous les murs et dans chacun des recoins où l’on retrouve une bardée d’amplis au côté d’un vieil juke box et d’une lignée de guitares suspendues au plafond. Ce sont celles de ce grand bluesman âgé de 76 ans, il m’interpelle « regardez, là, sur l’affiche, c’est moi, là, j’étais jeune ». Natif de ce village, il est le dernier survivant […]