Music

23 mars 2025

Phil Derest, la panthère d’un soir !

« Arrêt au stand, arrêt au stand, il était temps de se poser », Phil Derest a posé ses deux grattes, une sèche, une électrique sur le mur de fond de la petite scène de l’Aloko. L’homme est mince comme un fil, taillé à la Jaeger, la toute fraiche soixantaine accrochée au col de sa veste de cuir que le rocker porte comme un passeport pour l’éternité. Millau est sous l’eau, l’oiseau d’une nuit détrempée est en mode sauvetage dans cette petite alcôve. Il le dit, il l’affirme, il le chante « j’aime la route », la route râleuse du blues, la route râpeuse du rock, les mots découpés, les syllabes ajustées, la voix aux accents parfois indiscutablement « Bashungnien » qu’il revendique sans esquive « Bashung, il était rock, il était blues « . Il aime les caisses américaines brûlant du 30 litres au cent, le Jack Daniel dévorant les gosiers toujours secs, la route, toujours la route, pour relier ces rades d’un soir « perdu dans sa « jungle ». Y’a du Detroit, y’à du Sochaux -Montbéliard son pays à lui. Y’à du Plat Pays lorsqu’il chante du Brel, ça donne envie de se faire la belle. Y’à des trottoirs vides, des croix alignées, du métal brûlant, des chiens hurlants. Ca sent le bleu de travail, ça sent la ferraille, la limaille et la graisse des machines outils. Y’a des mégots froids, y’a des cendriers pleins, alignés sur des comptoirs d’un soir. Y’a des « verres et des mots » […]
17 mars 2025

Acoustronic Duet…une heure de « vie vivante »

Je ne suis pas né au Viala du Pas de Jaux. Dans le petit cimetière à main droite lorsque l’on arrive au village, je n’ai aucun descendant allongé pour l’éternité sous une dalle de marbre et je n’y ai jamais passé mes vacances de gamin chez un lointain tonton bourru à dormir sous de gros édredons et à courser le coq et le jars au risque de se faire mordre les mollets ! Mais pourtant, j’ai une affection particulière pour ce petit bourg médiéval comptant moins de cent âmes. Peut être me rappelle-t-il là où j’ai grandi ? Les mêmes petites maisons collées sans grandes commodités, avec leurs petites vérandas aux vitres brisées, leurs jardinets où des lignes de poireaux gagnent chaque année une nouvelle bataille face aux morsures d’un hiver jouant les prolongations, froid, humide et suintant. Ce samedi, j’ai repris la route pour une traversée solitaire du Larzac, ne croisant que quelques chasseurs rentrant au bercail, dans le coffre, des chiens congelés par un vent du Nord ébouriffant les épouvantails à corbeaux. Dans le village, j’étais sans doute trop en avance, vu le peu de voitures garées, j’ai douté que le concert programmé soit maintenu. A l’affiche, deux musiciens de jazz confirmés, Tom Gareil au vibraphone et le batteur Jérôme Antonuccio pour un set d’une heure d’improvisation programmé par « Culture Soudée ». J’avalais rapido pour me réchauffer les quelques marches puis l’escalier en bois conduisant à l’étage dans une belle salle de cette tour hospitalière, murs égayés pour la circonstance, tentures […]
12 mars 2025

Manolo à l’Aloko, entre rêverie et ivresse bienfaisante !

Entre ici et ailleurs, deux points…Une ligne droite tendue entre deux mondes comme les cordes de cette Kora fidèle compagne ventrue que Manolo caresse de ses doigts déliés pour éveiller les sens cachés de cette bienaimée. Deux balises pour accomplir ce grand voyage musical, parlé, chanté, entre ce « petit pays », sa Bourgogne natale et l’Afrique Sahélienne, visa en poche pour conquérir plus loin, montagnes, forêts denses et mangroves à percer les mystères du bambara, du dioula, du malinka et leur alphabet N’ko. Manolo ne s’en cache pas « j’ai bien tenté de chanter en mandingue mais j’ai dû renoncer. C’était de la bouillie, alors j’ai inventé mon propre langage ». Entre son port d’attache natal et ces contrées secouées par le djihadisme, cet artiste conteur s’offre des escales d’un soir, comme ce vendredi sur cette petite scène de l’Aloko, drapé de noir devant une trentaine de convives dégustant le mafé, obligé ! A ses pieds, sa kamele ngoni, sa maîtresse attitrée, celle qu’il cale entre ses deux genoux pour que ses histoires chantées s’accrochent à la douce et pétillante harmonie de cette harpe africaine. Paroles de cordes pincées, paroles de souffle mesuré, Manolo joue l’homme-orchestre d’autrefois, musicien ambulant entre flûte peul, guitare sèche et didgeridoo, one man band qui parfois revient à sa langue natale pour intercaler du Brel lorsqu’il interprète « ces gens-là », l’histoire ténébreuse d’un amour inaccessible. Mais lorsqu’il revient à son « bora » écriture imaginaire d’un phrasé posé du conteur affirmé, Manolo invite […]
12 mars 2025

En mobylette sur le Larzac, destination Mas Razal

Ce dimanche, Justine Wojtyniak et Stefano Fogher invitaient sur leur scène du Mas Razal, la compagnie « le plus petit espace possible » pour leur spectacle « Mobylette ». «Mais par où tu es arrivé toi ?» En descendant ce long escalier de bois où un chat se prélassait entre deux marches, Justine m‘interpella, assise sur une petite chaise, le visage éclairé par un beau soleil, invité salutaire aux airs printaniers. Auprès d’elle, des objets particuliers, décor singulier, un pot d’épis séchés, une mappe monde, un chapeau haut de forme posé en équilibre sur un abat-jour, le crane d’une brebis, une petite boîte rouge, coffret à ranger des secrets. Et puis, devant elle, ce petit cahier dont elle tournait les pages ouvertes sur la liste des convives et conviés. Je n’étais pas le premier arrivé, mais presque. La maîtresse de maison griffa mon nom, je lui versai mon obole et posait mes fesses dans le creux d’un divan moelleux, invitation, je supposais, à la délicatesse des après-midi paresseux. J’étais donc au Mas Razal, ce lieu de résistance et de liberté artistique. Les jambes allongées à observer les invités, pour la plus-part des habitués, la nouvelle garde du plateau et quelques visages connus, vieille garde de la lutte du Larzac que Justine embrasse à la manière de nos grands-mères, l’étreinte maternelle et charnelle. Au-dessus de ma tête, un petit écriteau noir punaisé sur du lambris, je me suis levé pour en lire le message manuscrit »c’est bien la pire folie que […]
12 mars 2025

Cavalcade en Cocazie, l’aventure musicale de Frédéric Jouhannet aux confins de la Mer Noire

« Tient, tient, tient… ! » Débarrassé de cet inattendu et surprenant feuillage l’enveloppant de la tête aux épaules, le visage de Frédéric Jouhannet est apparu, cette bouille un peu lunaire qui ne m’était pas étrangère. Le temps des partitions givrées terminées, une semaine après avoir accompagné Nicolas Jules et Roland Bourdon sur la scène millavoise, celui-ci se présentait sur une petite estrade ceinturée d’un velours noir pour un voyage musical, direction la Circassie. Il faut ouvrir un vieil atlas sur une double page allant de la Bessarabie à l’Oural pour situer dans ce vieil empire russe, cette langue de terre nord-caucasienne buttant sur la Mer Noire, autrefois peuple montagnard et insoumis au Tsar Alexandre II, chassé de leur terre et contraint à un exil meurtrier, nettoyage ethnique affirmé. Frédéric Jouhannet est un voyageur curieux et intrépide. Dans ces contrées isolées, tel le barde privé de la parole, il nous enveloppe de sons pour exprimer la richesse d’un folklore renaissant dont il s’est imprégné. Au premier plan, deux petits chevaux en plâtre beige, il les caresse affectueusement comme autrefois le paysan adyguéen balayant le crin de son cheval fougueux au retour d’une croisade contre les razzias cosaques. Le concertiste en instrumentiste bricoleur joue de sa virtuosité pour que le public se lève et se prenne par la main pour une cavalcade enchantée. Il ondule ainsi comme pour épouser le mouvement régulier de la houle. La Mer Noire de l’exil était face à nous ! Photographies réalisées sur la Commune de […]