BOUBA, la musique est un langage universel !

Bouba en concert à l'Aloko Millau

Bouba en concert à l'Aloko Millau

L’émission s’intitulait « Quand un zoulou aime sa doudou ». Ma doudou derrière la vitre, les doigts pincés sur la tranche des vinyles prêts à être posés sur la platine, moi les lèvres posées sur le grain du micro, mes petits textes noircis sur une feuille blanche posée sous mon nez dans l’attente d’être lus. Des petites histoires écrites à ma façon, le regard posé aussi bien sur un Fela Kuti le libertaire «Black President» de Lagos que sur l’anti impérialiste et putchiste Thomas Sankara pour plonger sans honte dans le sirop langoureux d’une rumba Zaïroise roucoulante.

C’était au temps béni des radios libres, 40 ans déjà, ou chacun, chacune arrivait avec une brassée de disques sous le bras pour partager à sa façon une passion. Je ne sais pas si j’étais légitime pour animer une telle émission, les débats enflammés tenus aujourd’hui par les Indigènes de la République n’existaient pas mais nos convictions anti-racistes étaient néanmoins plus que sincères et affirmées.

Dans un Millau plongeant dans l’obscurité et rendu libre aux chats noirs, en franchissant la porte de l’Aloko, ces souvenirs m’ont submergé. Nostalgie de ces émissions, nostalgie de ces soirées électriques de Brazzaville et de Kinshasa, les fêtes du Printemps à Soweto, les petits clubs de Harare…

Très curieusement, le concert de Bouba Ndiaye programmé ce vendredi, était pour moi un retour en terre musicale africaine. Dernier concert en date, février 2012, à Eldoret au Kenya devant un plat de frites et un steak semelle de cheval, attablé au «Wagon Restaurant» situé à deux pas de la gare et du Sirikwa Hotel.

Dans Millau, l’Aloko (ex. La Loco…petit clin d’œil au Wagon…), est un lieu à part, un espace de lutte affranchi pour botter le cul à la monotonie, à la sinistrose et au déclinisme ambiant. Autant dans l’assiette aux saveurs du monde doucement épicées que pour les tympans et le moral des trentenaires en quête d’un vendredi soir à égayer. A mi-chemin entre le juke joint dans les Etats du Sud des Etats Unis et ces rades de marins pêcheurs aux lèvres salées et aux gosiers assoiffés.

Bouba est des deux parties. En cuisine aux côtés de Suzanne et sur scène accordé et uni avec son Manko, son band, composé d’Alassane à la basse, Sangue Mbaye aux percussions et Carlos en guest avec son petit tama, son « tambour parlant » endiablé.

Aux fourneaux où assis devant une cora calée entre ses jambes immenses, Bouba a la même posture. Une sorte de calme, de flegme inaltérable, tournoyant avec légèreté, comme s’il se déplaçait uniquement sur la pointe des pieds tel un chat craintif, ses longs doigts déliés caressant les feuilles de salade tout en saupoudrant les plats avec délicatesse. Cette prévenance, tient-il cela de son apprentissage de la cuisine auprès de sa grand-mère aveugle lui servant de guide et de petites mains pour préparer le tiep bou dièn, le mafé ou le yassa poulet ?

Sur scène, dans le coin droit de l’alcôve, sous l’immense balafon ornant le mur, Bouba en passeur d’histoires, a cette même prestance, cette même droiture, cette finesse aquise avec rigueur dans le noyau dur de cette grande famille de griots qui fut la sienne à Kébémèr, la cité qui a vu naître Ndigeul grand ambassadeur de la musique sénégalaise avec lequel il fonda Ngueweul Rythme.

Nul besoin de comprendre le wolof pour s’imprégner de ces rythmiques, de ces contes, de ce quotidien passé, présent, chanté d’ici et d’ailleurs aux confins du Sahel. « La musique est un langage universel »…il n’y a nullement besoin d’acquis. Elle est sensorielle, elle est émotionnelle. Elle irradie pour célébrer le bien, le bon d’être réunis ensemble, brassés par le roulement des peaux frappées.

A la fin de son concert, Bouba au terme d’un set frénétique, remercia avec beaucoup de douceur dans la voix, Cathy et Lucas rincés par un service marathon et Suzanne le torchon sur l’épaule à briquer éviers et fourneaux, avec ces mots « je suis bien ici ». Intérieurement, je lui ai répondu « moi aussi ! »

📷 Photographies réalisées le vendredi 9 mai 2025 lors du concert de Bouba et Manko à l’Aloko Restaurant Concert – Millau