Aubrac

17 février 2020

« Non, ici on consomme sur place »

  Bon ! Le take away à Aubrac, plus exactement chez Germaine, cette vénérable institution de la gastronomie locale, ça n’existe pas. Faut-il s’en offusquer ? Sûrement pas. Mais la tarte aux fruits rouges de chez Germaine qui frétille de son épaisse gélatine sous mes narines.… !!! Je la sentais déjà couler lentement, doucement, à savourer ce grand câlin d’un rouge carmin, avec ce pic de sucre à vous rendre diabétique. Je me léchais déjà les gencives noircies par la myrtille sanguine, à croquer ces pépins taquins et leur petit goût acidulé lorsque la pulpe craque sous la dent. Remballé mon gars. Ici, c’est pas Starbucks. Pourtant, ce n’est pas faute de connaître le vieux monsieur qui devant moi, essuie ses verres au torchon à carreaux, immuable derrière son bar depuis…. ? Combien de décades ?? Allez savoir, sur l’Aubrac, la retraite, c’est parfois une notion très abstraite, comme une ligne d’horizon floue qui se dérobe et se recompose au loin à chacun de vos pas vers le grand Nord. Celui-ci de me répondre, la tête penchée «non, ici on consomme sur place».   Sur l’Aubrac, il y a toujours une bonne raison de desserrer la ceinture, la serviette coincée dans le col de chemise, le couteau Laguiole en bois de frêne estampillé Calmels dans la main droite et main gauche la fourchette qui s’impatiente pour jouer les amuse gueules. On est toujours prêt à pousser la chansonnette.  Sur l’Aubrac, la gourmandise, c’est une emprise en toute franchise, de la cassolette de cèpes à la […]
3 décembre 2019

Aligot Boxe sur l’Aubrac

La cabrette a fini de grincer, les sabots ont fini de claquer, premier combat, deux jeunots se penchent entre les cordes, à peine sortis du bac à sable, casqués, gantés pour un premier combat. Petites guibolles frêles mais ça frappe fort, les joues se déforment, ça avance, ça recule. En bas du ring, le frangin filme en facebook live, un gaminou sautille comme une puce «moi aussi je veux boxer», le père de dire «toi tu te calmes». Verdict, on lève un bras droit, un bras gauche, égalité. Quand la boxe s’invite en terre d’Aubrac à l’heure des premiers frimas, on dresse les nappes blanches, on tamise la lumière, on met le rosé au frais, les petits plats dans les grands, c’est le pâté en tranche, c’est l’aligot qui file, c’est la viande qui fume, on sait recevoir et sur le ring, baigné d’une lumière rougeoyante et puissante, les gars…et deux filles…font le spectacle. Les assiettes valsent, bang bang, les coups pleuvent, les  convives s’émeuvent. Les plats défilent, bang bang, les gauche–droite s’enchaînent, sur les chaises, ça frétille, sur le ring, ça vacille. C’est déjà l’entracte, les huiles se serrent, Préfète en jupette, sénateur grand et sec, Jean Valadier le poids lourd de l’Aubrac au centre de cette lignée d’élus et de notables. Applaudissements, ils reçoivent en cadeau un couteau de Laguiole. Sur le ring, le speaker en costard déclare « va falloir donner un euro». Tradition oblige. Au pied du carré rouge, Miss Aubrac riboule des yeux de velours. Un […]
18 août 2018

Nasbinals, les juments en cavale

    Photographies réalisées à Nasbinals (Lozère – France) lors du Concours Complet d’Equitation des Monts d’Aubrac le 12 août 2018
26 juin 2018

L’or blanc, c’est mieux que le lait caillé

  « J’aurai 80 ans cette année ». Monsieur Plagnard se frotte la pomme des mains en murmurant ces mots. Comme si à chacune de ses respirations, il guettait l’inconnu « 80 ans, ça change tout. C’est plus la même chose ». Chaque année, entre le Circus et la Cap, Monsieur Plagnard m’offre le café. C’est un rituel, comme de mettre un cierge dans une petite chapelle, pour voir scintiller une flamme tremblante dans la pénombre des lieux, sans mot dire, sans rien se dire. Lui et son épouse habitent la ferme familiale de la Vincente. Il y est né, à l’arrière de ce qui est aujourd’hui une étable. Au pied de ces immenses alpages où le toit des burons brille parfois comme des loupes lorsque le soleil levant fouette et embrase le pic de Gudette. Le café, il le sert à la casserole tout juste sortie du feu. Habituellement, il propose un gâteau sec. Autre rituel que de tremper le biscuit sorti d’une boîte en fer, comme une offrande, une oblation. Mais pas cette fois. Raymond Plagnard est né au temps des hivers qui fissurent les plafonds de verre. Au temps des chutes de neige où le manche de pelle poli par la corne prend la forme des mains rugueuses et calleuses. Au temps des printemps humides, encore neigeux, souvent « brouillasseux » qui se font attendre, qui rendent les hommes, les femmes hargneux et grincheux. Raymond  est donc né dans la montagne, au pied du Fer à Cheval. Le cul des vaches devait être […]
25 juin 2018

Un jour « bénévole » ou « volontaire » sur l’Aubrac

Je n’aime pas le mot bénévole, Je lui préfère celui de volontaire, c’est plus noble. Volontaire pour s’engager, pour donner, pour s’oublier, S’engager pour vous, pour lui, pour moi, Donner pour celui, pour celle, pour ceux Pour s’oublier, s’engager et se donner sans se mettre hors jeu. Certains ramassent des ampoules aux mains, Certains ramassent des cèpes nains de jardin, Certains tirent des cordes, des ficelles, des liens, Entre vous,  entre nous, avec moi, des petits rien. Certains préfère couper la tome, D’autres, des quartiers de pommes, J’aime bien les pince sans rire, Les taiseux mais besogneux qu’il faut chambrer pour décrocher un sourire. Souvent dans l’ombre, à joindre les deux bouts, les deux bords. C’est pour cela que je préfère le mot volontaire, il sonne fort. Avoir la volonté de satisfaire, d’accepter des taches, en vrac, Dire bonjour, merci, ça va, sur l’Aubrac, sans jouer les cracks. Vouloir donner un peu, beaucoup, Un jour plein de volonté, faut tenir le coup, ça vaut le coup. Portraits réalisés lors de Trail en Aubrac à Nasbinals (Lozère) le 24 juin 2018