Un 18 et 19 février, un jour d’anniversaire et son lendemain à embrasser comme du bon pain les joues chaudes de celle qui partage ma vie depuis un demi-siècle, de près, de loin, jamais bien loin, sans zones d’ombre et sans recoins. Je n’ai jamais réussi à tutoyer celle qui ce 18 février allait fêter sa quatre-vingt dixième année. Je lui ai posée cette question « ce matin, en vous levant, qu’avez-vous pensé ? ». Elle me fixa de ses yeux bleus. Il n’y avait aucune larme, juste un petit scintillement, cette petite flamme d’espièglerie et de charme sagement dissimulée. Sa réponse lâchée d’une voix éraillée « j’aurai aimé que James soit là ». Ce 18 février, l’air était doux, un petit air de printemps guilleret et savoureux. Le salon, table et buffets se fleurissaient d’orchidées, de pensées, de jonquilles, de petits mots aimables et tendres et de cartes à déplier aux couleurs criardes. Le téléphone sonnait comme un vieux standard de la Samaritaine et le journal du jour titrait sur «Bourges – Sancerre», vénérable institution locale qui 50 ans plus tôt, encore lycéen, me nouait bien serrés les lacets pour ne plus quitter, à jamais, ce long chemin, ce long sillon de rêveries et de de flâneries à m’inventer un petit monde. Le 18 au soir et le 19 au matin, dans une lumière hésitante, je m’échappais pour rêver, pour flâner dans cette ville de Vierzon. Comme autrefois, dans Vierzon la rouge, Vierzon la coco, cette ville aux cicatrices […]