MILLAU-VID En franchissant l’entrée gravillonnée, sur ma gauche, je remarque en premier les arches des Templiers, la grande, la moyenne, la petite, encastrées, bien rangées. Je prends cela comme une marque de bienvenue, un signe d’attention. Elles viennent de passer un hiver de plus, à prendre de la patine, cette croûte naturelle forgée par les caprices du temps sur ce bout de mamelon qui regarde le Lévezou et ses éoliennes en ligne de crête. Elles prennent des rides aussi, ces fissures du temps lorsque le bois craque et s’ouvre finement comme pour libérer une respiration, un souffle venu à la peine, du duramen. Il est 14h30, la cour est vide, l’atelier est vide, les entrepôts sont vides, les grenouilles s’en donnent à cœur joie. Dans une marre toute proche, elles croassent de concert, un festival de psaumes, une symphonie de jacasserie. Au fond de l’enclos, les camions sont garés, alignés, sanglés. Au point mort. Le plus gros d’entre eux et sa remorque sont à quai, chargés de longues poutrelles en bois. Frédéric Boissière est seul dans cette belle salle de réunion qui sent le bois frais. Nous nous sommes mis à distance, face à moi, le manager de cette entreprise de construction ossature bois, les deux coudes posés sur une immense table ovalisée. En posant mes feuilles de papier et mon crayon sur le bois vernis et poli, je me suis vu arrimer à un surf géant comme pour prendre une vague scélérate et me laisser glisser évanescent […]