Un jour de…

6 août 2018

Un jour de joutes dans le canal de Palavas les Flots

  14 heures, l’heure des dernières frites alanguies pataugeant dans les persillades refroidies. 14h, l’heure de la descente à la mer, le père, la mère, la marmaille, cap sur la plage, sous la canicule, ambiance crème solaire et humeur aigre, amère. 14h, au Tenchadou, ce n’est plus l’heure de plaisanter. Dans ce local, où autrefois, les pêcheurs teignaient les filets lorsque les cordages se tressaient d’un coton écru, c’est l’heure du défilé. Les hommes se sont habillés de blanc, dans le respect de la tradition. Des chaussures de toile, au slip en passant par la cravate que David Aprile, l’un des chevaliers de la mer, illustre vainqueur de la St Louis, tend à chacun. On ajuste col de chemise, manches de marinière et nœud de cravate. David l’intrépide laisse glisser « en les voyant tous en blanc, j’ai eu les larmes aux yeux ». 14h 30, c’est donc l’heure venue des jouteurs. Rassemblés, bien alignés, au son du hautbois et du tambourin, poings fermés sur la lance coincée dans le pli de l’haine, drapeaux l’un bleu, l’autre rouge, au carré dans le vent, ils rejoignent le Lez, ce canal aux eaux vertes se jetant dans la Grande Bleue, face à la statue des Pêcheurs. « Quand tu es là haut, tu as le sang qui boue ». Eperonné en juin, « coccyx », c’est son surnom,  se remet d’une vilaine blessure aux cotes. Aujourd’hui, dans une barque bleue, virevoltant à bâbord et à tribord de ces deux gros bateaux de combat, il ramasse pavois et lances […]
14 juillet 2018

Ca sentait bon le Larzac chaud

Lettre à mon tonton Albert que j’ai toujours appelé Albert 1er       Cher Tonton, Je ne résiste pas à l’idée de t’écrire ces quelques mots. Car ce matin, je te devine déjà froncer les sourcils, j’assistais à mon premier défilé militaire à l’occasion du 14 juillet. En réalité, ce n’est pas tout à fait une découverte. Car autrefois, j’assistais à maintes parades cadencées sous des soleils à faire fondre des enclumes dans des pays où la justice n’est que parodie, où l’on égorge encore pour un vol de poule. Comme tu le sais sans doute, cela ne t’a pas échappé, la Légion Etrangère s’est installée dans les murs du camp militaire de La Cavalerie. Je vois ton petit sourire en coin car j’ai encore le souvenir précis de cette phrase que tu répétais à qui voulait bien l’entendre « il faut toujours se méfier du mouvement de balancier ». En effet, dans ce cas précis, le retour de l’infanterie à La Cavalerie, quelle ironie du sort ! J’ai passé l’âge de te surprendre toi qui a pourtant tout essayé afin de me faire admettre que l’armée, nous en avions besoin. Je ne vais pas te resservir tes discours qui ont animé plus d’un repas de famille. Très arrosés, je l’admets. Je me souviens d’un 14 juillet, justement !!! Tu avais bien failli en venir aux mains avec ton frère René. La guerre d’Algérie a laissé de longues cicatrices que l’on n’évoque que rarement. Bon je l’avoue, mon vieux fond antimilitariste pur […]
2 juillet 2018

Un jour à rouler sur le feu

Il n’y a pas de youtubers pour les entuber, Il n’y a pas de followers pour les aspirer. On n’est pas aux NG, On ne se pète pas la tronche en 4G Ils ont bien des amis, ça oui, Une poignée ici et là, rôtis comme des ouistitis. Ils roulent à 80, le cul sur le cadre, Ils ne sont pas là pour monter la garde. Dans le ciel, un bimoteur ronfle et grogne en virant de dos, Quant aux poursuivants, ils se font manger la laine sur le dos. Ils ont le cuissard en feu, Sous le casque, la caboche au feu. C’est déjà le sprint, ça oui, ils ont mouillé le maillot, Ca ne s’est même pas joué à un boyau. Ils n’ont droit à un aucun reproche, Ils n’ont pas fait du cinoche. Photos réalisées à Belmont sur Rance (Aveyron) lors du Grand Prix Cycliste de la Grele, le 30 juin 2018
26 juin 2018

L’or blanc, c’est mieux que le lait caillé

  « J’aurai 80 ans cette année ». Monsieur Plagnard se frotte la pomme des mains en murmurant ces mots. Comme si à chacune de ses respirations, il guettait l’inconnu « 80 ans, ça change tout. C’est plus la même chose ». Chaque année, entre le Circus et la Cap, Monsieur Plagnard m’offre le café. C’est un rituel, comme de mettre un cierge dans une petite chapelle, pour voir scintiller une flamme tremblante dans la pénombre des lieux, sans mot dire, sans rien se dire. Lui et son épouse habitent la ferme familiale de la Vincente. Il y est né, à l’arrière de ce qui est aujourd’hui une étable. Au pied de ces immenses alpages où le toit des burons brille parfois comme des loupes lorsque le soleil levant fouette et embrase le pic de Gudette. Le café, il le sert à la casserole tout juste sortie du feu. Habituellement, il propose un gâteau sec. Autre rituel que de tremper le biscuit sorti d’une boîte en fer, comme une offrande, une oblation. Mais pas cette fois. Raymond Plagnard est né au temps des hivers qui fissurent les plafonds de verre. Au temps des chutes de neige où le manche de pelle poli par la corne prend la forme des mains rugueuses et calleuses. Au temps des printemps humides, encore neigeux, souvent « brouillasseux » qui se font attendre, qui rendent les hommes, les femmes hargneux et grincheux. Raymond  est donc né dans la montagne, au pied du Fer à Cheval. Le cul des vaches devait être […]
25 juin 2018

Un jour « bénévole » ou « volontaire » sur l’Aubrac

Je n’aime pas le mot bénévole, Je lui préfère celui de volontaire, c’est plus noble. Volontaire pour s’engager, pour donner, pour s’oublier, S’engager pour vous, pour lui, pour moi, Donner pour celui, pour celle, pour ceux Pour s’oublier, s’engager et se donner sans se mettre hors jeu. Certains ramassent des ampoules aux mains, Certains ramassent des cèpes nains de jardin, Certains tirent des cordes, des ficelles, des liens, Entre vous,  entre nous, avec moi, des petits rien. Certains préfère couper la tome, D’autres, des quartiers de pommes, J’aime bien les pince sans rire, Les taiseux mais besogneux qu’il faut chambrer pour décrocher un sourire. Souvent dans l’ombre, à joindre les deux bouts, les deux bords. C’est pour cela que je préfère le mot volontaire, il sonne fort. Avoir la volonté de satisfaire, d’accepter des taches, en vrac, Dire bonjour, merci, ça va, sur l’Aubrac, sans jouer les cracks. Vouloir donner un peu, beaucoup, Un jour plein de volonté, faut tenir le coup, ça vaut le coup. Portraits réalisés lors de Trail en Aubrac à Nasbinals (Lozère) le 24 juin 2018