Millau

26 mars 2025

Tour du monde dans les pas de l’homme – monde !

Un lundi soir, entre deux averses, à marcher seul sur le trottoir de gauche, Boulevard Richard, à observer de loin les vitres cassées de l’ancien Hôtel Dieu, à tenter de deviner les formes ténébreuses de fantômes me suivant ostensiblement d’un regard vitreux, j’ai pris une grande décision, je me suis offert un Tour de Monde. Celui qui n’oblige à aucun vaccin, à aucun passeport, à aucune mise en garde sur ces tyrans menant le monde à la baguette ou à la baïonnette, voir pire ! Pour cela, j’ai poussé de la main cette lourde porte s’ouvrant sur l’ancienne chapelle. Une ombre s’est dirigée vers moi, j’étais rassuré. Je me donc suis laissé aller, je me suis donc abandonné à suivre les pas de cet homme habillé dans la sobre élégance du noir. Ne sachant rien de cette aventure, dans quel paquebot allais-je coucher ? Dans quel train de nuit allais-je traverser ces vastes continents, le nez au carreau crasseux mais perlé de fines gouttelettes lumineuses ? Dans quel bas-fond aux néons illuminant le froid béton, allais-je poser mon bagage, à épousseter de vieux oreillers et à tourner les robinets grippés pour un maigre filet d’eau. Passé un entremêla de cordes tendues et de grandes toiles blanches torsadées, Stefano, mon guide, me prit par la main, sans rien me demander, sans tampon, ni ticket, ni même mon identité. Je me suis assis sur une planche de bois blanc, j’ai senti le sol légèrement tremblé, j’ai senti la voix de Stefano me […]
23 mars 2025

Phil Derest, la panthère d’un soir !

« Arrêt au stand, arrêt au stand, il était temps de se poser », Phil Derest a posé ses deux grattes, une sèche, une électrique sur le mur de fond de la petite scène de l’Aloko. L’homme est mince comme un fil, taillé à la Jaeger, la toute fraiche soixantaine accrochée au col de sa veste de cuir que le rocker porte comme un passeport pour l’éternité. Millau est sous l’eau, l’oiseau d’une nuit détrempée est en mode sauvetage dans cette petite alcôve. Il le dit, il l’affirme, il le chante « j’aime la route », la route râleuse du blues, la route râpeuse du rock, les mots découpés, les syllabes ajustées, la voix aux accents parfois indiscutablement « Bashungnien » qu’il revendique sans esquive « Bashung, il était rock, il était blues « . Il aime les caisses américaines brûlant du 30 litres au cent, le Jack Daniel dévorant les gosiers toujours secs, la route, toujours la route, pour relier ces rades d’un soir « perdu dans sa « jungle ». Y’a du Detroit, y’à du Sochaux -Montbéliard son pays à lui. Y’à du Plat Pays lorsqu’il chante du Brel, ça donne envie de se faire la belle. Y’à des trottoirs vides, des croix alignées, du métal brûlant, des chiens hurlants. Ca sent le bleu de travail, ça sent la ferraille, la limaille et la graisse des machines outils. Y’a des mégots froids, y’a des cendriers pleins, alignés sur des comptoirs d’un soir. Y’a des « verres et des mots » […]
13 mars 2025

Du rêve à la réalité, combien de temps faut-il ?

Léon Maillé ne joue ni de la flûte, ni du pipeau, pourtant tel le charmeur de serpent, il peut vous ensorceler avec ses petites historiettes sorties contre toute attente de son chapeau. En toutes circonstances, rencontré dans l’intimité du cimetière de St-Sauveur, un arrosoir la main ou bien encore devant le tribunal de Millau, présent pour soutenir Francis, Rocky et Eric, les trois paysans victimes de violence lors d’une manifestation, ce résistant jusqu’à son dernier souffle dégaine toujours la petite histoire titillant vos oreilles comme lorsque que l’on tapote le rebord d’un verre en cristal. Nous attendions donc que la porte du tribunal s’ouvre enfin pour en savoir plus sur la peine requise contre nos trois militants. L’impatience était manifeste, chacun, chacune tuant le temps à sa façon, les drapeaux en berne, nombreux lorgnant sur les plats de frites servis aux affamés, les tracts posés à côté de l’assiette, le kebab fumant et odorant jusqu’à nos narines à portée de lèvres. « Un jour, j’ai vendu une photo à Libé ». Ainsi commence l’histoire racontée par Léon Maillé, l’œil vif de celui qui vous harponne avec malice « j’étais sous la tour Eiffel (…le 27 novembre 1980, 74 paysans du Larzac campent sur le Champ de Mars…) et j’avais fait quelques photos en noir et blanc avec mon petit appareil (…il fait le geste avec les mains…). Et un journaliste de Libé passe, on discute et il me demande « vous avez fait des photos. Je peux avoir votre pellicule […]
12 mars 2025

Le sixième sens !

Un mercredi matin, banal, normal. Enfin pas tout à fait ! Et puis ce bip annonciateur d’un message, l’expéditeur Nico et ses quelques mots «nous organisons notre Grand Prix Sport Adapté de karting à pédales. Si tu as du temps de libre. A bientôt ». J’ai répondu aussitôt des deux pouces « j’ai la liberté de me rendre libre. Je serai bien entendu présent ». En 2019, déjà, je m’étais rendu à l’invitation de Nicolas Chiotti, éducateur spé, dans le Parc de la Victoire, au pied de la Stèle de la Résistance sur laquelle autrefois était scellée la statue en bronze de l’entomologiste Jean Henri Fabre déboulonnée par l’occupant Allemand. J’en garde un souvenir d’une profonde émotion, sincèrement secoué, touché, transpercé par autant d’enthousiasme non réfréné. Je me souviens tremblant, les larmes aux yeux devant ces hommes, ces femmes, jeunes et moins jeunes se livrant ainsi sur leur petit engin, dans une farandole qui n’avait rien de plaisantin, avec leurs grands sourires, leurs maladresses, leur grand courage, leur vulnérabilité, leurs trouilles aussi, l’envie de vivre tout simplement comme le chante Grand Corps Malade dans «Sixième sens» à propos de «ces oiseaux dans l’orage». En mai 2019, j’avais écrit ces mots. Les voici, je n’ai rien de plus à ajouter. Si quelques photos comme témoins pour les accompagner. Les deux mains accrochés à un petit volant, le dos courbé, les jambes repliées, j’ai vu des hommes, des femmes, de jeunes garçons, de jeunes filles dans le «sixième sens». Les yeux fixés […]
12 mars 2025

Vous avez inventé le trail poétique !

Le trail porte bien son nom…course nature par définition, course en pleine nature aux multiples horizons, courir avec passion dans une nature qui impose ses règles, ses lois, ses règlements cachés et sournois, avec autant de docilité que de tourments qu’aucun satellite météo ne peut détecter. Ainsi s’est déroulé Tarn Valley Trail avec un départ dans une douceur paisible, une fraîcheur à peine frémissante, un ciel d’une si belle pureté et un cœur de fer et de corde pour réunir les 180 valeureux et téméraires. Un cœur passion, un cœur palpitant, un cœur pour offrir et recevoir, un cœur pour rentrer en conquête, de soi-même, pour fuir les réquiems, une bohême espérée pour fuir le quotidien trop cadenassé, trop réfréné. Ainsi les Cévennes ont-elles été dévalées, L’Hôpital, le Pont du Tarn, le Merlet, Pont de Montvert, les jambes balayées par les genets en fleurs, odorants, d’un jaune puissant, tableau impressionniste pour s’évader, quelques rebelles en tête, s’enfuyant fringants et gaillards, les deux Samuel, Hubert et Chatard déjà en bataille dans cette dévalade pour retrouver le Tarn s’encaissant en cascade dans une gorge profonde. Puis les montées se sont enchaînées, une surprise pour personne, Tarn Valley Trail joue cartes sur table. Puis le soleil s’est dévoilé, c’était espéré. Puis le thermomètre s’est affolé. Printemps coquin, printemps assassin pour rissoler et cramer ces conquérants perdant leur fringant, estomacs vite gavés et retournés, la nausée au bord des lèvres, moral déjà en berne, guibolles en vrille pour lutter contre cette chaleur subite frôlant […]