Millau

12 mars 2025

L’Endurance Trail… L’instant majeur, ravageur et détonateur !

Deux – trois heures du mat, l’heure des rêves éveillés et des draps mouillés. Le téléphone du PC Course ne sonne plus. Dans son chalet grand comme une maison de poupée, le doigt sur les platines, Cyril n’a toujours pas piqué du nez, sa sono en sourdine pour une ligne d’arrivée déplumée comme le cou d’un poulet bagarreur. Au centre de ce cercle des émerveillements et de la délivrance, Chauchau et son micro au cœur des confidences. Fin d’une Endurance Trail sauvée d’un Tarn déchaîné, recrachant dans ce tunnel de lumière ces corps meurtris, c’est l’instant majeur, c’est l’instant ravageur, c’est l’instant détonateur. Flot libéré, irradiant et chavirant. C’est précieux, c’est fiévreux, c’est glorieux. C’est intime, c’est sublime, ça illumine. Ainsi, étais-je bombardé devant cette ligne de tir amis, devant ces saltimbanques de l’endurance jouant l’épilogue d’une bataille solitaire avec eux-mêmes. Certains cherchant le recueillement…Certaines la douceur des joues salées…Certains cherchant le regard profond de la compréhension…Certaines dans la captation irrésistible de lèvres complices et sucrées. Pourquoi je cours ainsi, pourquoi je m’inflige cela ? Pourquoi je pousse si loin le curseur dans cette quête de sentiments ultimes ? Pourquoi, moi, j’organise ainsi, pourquoi moi, je m’inflige cela ? Pourquoi moi et mon équipe poussons nous le curseur si loin dans cette quête émotionnelle ? L’éternelle question du pourquoi et son insondable réponse souvent laissée en suspens devant l’irrationnalité de tels instants déraisonnés. Rendre heureux ? Se sentir heureux ? Être vivants, se sentir vivant ? Par ces échanges avec […]
12 mars 2025

Manolo à l’Aloko, entre rêverie et ivresse bienfaisante !

Entre ici et ailleurs, deux points…Une ligne droite tendue entre deux mondes comme les cordes de cette Kora fidèle compagne ventrue que Manolo caresse de ses doigts déliés pour éveiller les sens cachés de cette bienaimée. Deux balises pour accomplir ce grand voyage musical, parlé, chanté, entre ce « petit pays », sa Bourgogne natale et l’Afrique Sahélienne, visa en poche pour conquérir plus loin, montagnes, forêts denses et mangroves à percer les mystères du bambara, du dioula, du malinka et leur alphabet N’ko. Manolo ne s’en cache pas « j’ai bien tenté de chanter en mandingue mais j’ai dû renoncer. C’était de la bouillie, alors j’ai inventé mon propre langage ». Entre son port d’attache natal et ces contrées secouées par le djihadisme, cet artiste conteur s’offre des escales d’un soir, comme ce vendredi sur cette petite scène de l’Aloko, drapé de noir devant une trentaine de convives dégustant le mafé, obligé ! A ses pieds, sa kamele ngoni, sa maîtresse attitrée, celle qu’il cale entre ses deux genoux pour que ses histoires chantées s’accrochent à la douce et pétillante harmonie de cette harpe africaine. Paroles de cordes pincées, paroles de souffle mesuré, Manolo joue l’homme-orchestre d’autrefois, musicien ambulant entre flûte peul, guitare sèche et didgeridoo, one man band qui parfois revient à sa langue natale pour intercaler du Brel lorsqu’il interprète « ces gens-là », l’histoire ténébreuse d’un amour inaccessible. Mais lorsqu’il revient à son « bora » écriture imaginaire d’un phrasé posé du conteur affirmé, Manolo invite […]
11 mars 2025

Les Givrées, Emma Calvé, son intime, le sublime, le dramatique de sa vie !

Nous sommes rentrés à pas feutrés, presque intimidés, dans une douce pénombre, sans mots dire… Avec ce curieux sentiment d’appartenir à un cercle très privé, très fermé, très privilégié, comme autrefois, dans ces demeures bourgeoises, lorsque Emma Calva, dans sa fin vie en souffrance, tenait encore quelques récitals devant un parterres de notables dans la suffisance de leur richesse. La lumière s’estompa dans la pièce, nos souffles retenus dans un silence seulement trahi par quelques chaises grinçantes, les mains jointes, nos corps figés, nous nous tenions droits, nous pouvions être irradiés… Ainsi, nous avions franchi le gué voulu par Justine Wojtyniak, la metteuse en scène, une main tendue pour nous transporter dans l’intime, le sublime, les amours égarés, gâchés, le dramatique de la vie d’Emma Calvé interprétée par la soprano Inès Berlet, autant chantée que contée accompagnée de Swan Starosta en complice et pianiste. Une voix d’éclat, chaude, dorée, piquante, comme l’aurait espéré le compositeur Georges Bizet en créant Carmen. « Quand je vous aimerai ? Ma foi, je ne sais pas, peut-être jamais ? Peut-être demain ? Mais pas aujourd’hui, c’est certain » chantait Emma Calvé, en femme libre, en diva, maîtresse de sa voix, de son corps, les épaules recouvertes de gracieux boléros de perles. Spectateurs muets, nous étions ainsi invités à nous glisser dans ce tableau de sensations, de passion. J’en suis sorti ému. Photographies réalisées lors de la représentation de « L’oiseau que tu croyais surprendre battit de l’aile et s’envola » créée par la compagnie […]
17 juillet 2023

Le sixième sens

  Avant de publier ce reportage réalisé à l’occasion d’une épreuve Sport Adapté dans le parc de la Victoire à Millau, j’ai relu les mots de Grand Corps Malade lorsqu’il chante « Sixième sens ». Les voici…. J’ai découvert de l’intérieur un monde parallèle  Un monde où les gens te regardent avec gêne ou avec compassion  Un monde où être autonome devient un objectif irréel  Un monde qui existait sans que j’y fasse vraiment attention  Ce monde-là vit à son propre rythme et n’a pas les mêmes préoccupations  Les soucis ont une autre échelle et un moment banal peut être une très bonne occupation  Ce monde là respire le même air mais pas tout le temps avec la même facilité  Il porte un nom qui fait peur ou qui dérange : les handicapés. On met du temps à accepter ce mot, c’est lui qui finit par s’imposer  La langue française a choisi ce terme, moi j’ai rien d’autre à proposer  Rappelle-toi juste que c’est pas une insulte, on avance tous sur le même chemin  Et tout le monde crie bien fort qu’un handicapé est d’abord un être humain  Alors pourquoi tant d’embarras face à un mec en fauteuil roulant  Ou face à une aveugle, vas-y tu peux leur parler normalement  C’est pas contagieux pourtant avant de refaire mes premiers pas  Certains savent comme moi qu’y a des regards qu’on oublie pas  C’est peut-être un monde fait de décence, de silence, de résistance  Un équilibre fragile, un oiseau dans l’orage  Une frontière étroite […]
30 avril 2020

On ne veut pas passer pour des héros de la nation

  MILLAU-VID   Gamin, notre médecin de famille s’appelait Monsieur Bilbille. Je dis Monsieur car c’était un Monsieur, un notable, un petit bourgeois de la commune. A toute heure, pour une grippe, une crise d’arthrite, il arrivait, la moto à toute vapeur, une BM R50 noire flaque, sans casque, un peu cosaque, un peu fantasque. Je me souviens de son cabinet médical installé dans une belle maison de pierres et de briques, de son parc noyé sous les marronniers trapus et feuillus. J’y jouais souvent, un privilège, avec le sentiment de rentrer dans un royaume interdit scintillant, hypnotisant, dans les jupes de ma grand-mère Madeleine. Elle était femme de ménage chez les Bilbille. En ces temps pas si lointains, on disait «bonne à tout faire», je déteste ce terme, à briquer les dorures, à vider les ordures, à torcher les moutards, à refaire les plumards, à repasser les beaux costumes, à raccourcir et ajuster les beaux corsages à fleur de Madame, une très jolie brune toujours pimpante, épais rouge à lèvres carmin, regard sombre, virevoltant avec une aisance naturelle, envoûtante, une grâce orientale d’une Oum Kalhoum sur la scène de l’Olympia chantant sous les yeux du Général de Gaulle.   «C’est peut être mon côté vieux jeu, j’aimais bien l’idée du médecin de famille, avec ce rythme particulier, suivre une famille de la pédiatrie au grand-père». A ma question «pourquoi devient-on médecin ?», telle était la réponse de cette jeune médecin, Amandine Yvon, que j’avais devant moi dans cette salle […]