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9 décembre 2019
Marché des boeufs de Noël à Laissac (Aveyron) 2019

Robes brunes et blouses noires

  L’homme dégrafe sa ceinture, son pantalon glisse sur ses genoux. Il s’assoie sur le ciment dur, froid et rugueux, repliant d’un revers de la main sa blouse sous ses fesses « que voulez vous, je n’ai pas eu le temps de déplier mes ailes ». Deux jeunes femmes lui massent la cuisse droite, les pouces s’enfoncent dans le gras, il glousse l’œil titilleur «faut qu’en même garder l’sourire, heureusement qu’il me reste encore ça». Au p’tit matin, l’homme s’est fait plaquer au sol par une bête matrone au sortir de son camion. Peut être une fraction d’inattention, sans doute une génisse sauvageonne qui dévisse, les sabots qui claquent sur le métal, une tonne de muscles et de gras qui décolle et c’est pas de bol. En arrivant nuit mourante, les Palanges en soupentes, sur le foirail de Laissac, j’ai vite compris que mettre un pied dans ce labyrinthe, c’est comme de rentrer l’air effaré dans un bastringue enfiévré. Mieux vaut ne pas avoir la tête fracassée. J’ai fait deux pas, une main serrée sur la rambarde, j’ai vite été repéré, un éleveur de Lugans m’apostrophe, le doigt levé, bonne bouille, cheveux bouclés, «ici faut avoir des yeux partout». Aujourd’hui, c’est jour de marché aux bœufs gras de Noël. Deux à trois pas de plus pour atteindre l’allée centrale et ce curieux ballet, ce tourbillon à neutrons, vous  absorbe, vous aspire. Immense corral, immense alpage, immense gare de triage en ébullition…Vachers, petits commis, éleveurs au pas de course, tout en esquive, pas […]
6 décembre 2019

Place d’Armes, la bataille des retraites

    Photographies réalisées le 5 décembre 2019 à Rodez (Aveyron) sur et aux abords de la place d’Armes lors de la manifestation contre la réforme des retraites.
3 décembre 2019

Au pays du bons sens ?

Il y a des jours avec et des jours sans. Des jours perméables à toutes les idées, enfin pas toutes et d’autres où l’on rentre en dissonance avec les théories exposées même les mieux expliquées. Un après midi de brouillard, je filais droit et vite, trop vite, sur cette route rectiligne comme une règle plate, le regard fixé sur ce maigre ruban de goudron ondulant. Passé le carrefour des 4 Routes, direction le Viala du Pas de Jaux, France Inter dans le tuner, sur les ondes, une émission sur l’obsolescence, sans aucun doute, pour éveiller les consciences. L’obsolescence, je l’avoue, ce mot qui sonne comme un condensé d’intelligence, n’appartenait pas à mon vocabulaire il y a peu encore. Moi, j’appelai ça du bon sens. En résumé, acheter peu et solide, faire recoudre, rapiécer, revisser, repeindre, ressemeler, au pire scotcher, faute de mieux. En somme faire durer, le temps de mille saisons et beaucoup plus s’il le faut, sage raison qui invite par nécessité ou engagement à dépenser peu et bien, le seul sou que l’on a dans le creux de la main  dans un quotidien où le peu vaut mieux que le rien. Le Viala du Pas de Jaux, de la Cavalerie, c’est vite fait. Ce n’est pas le village où l’on vient faire le beau, ni le jars orgueilleux, ni l’autruche enturbanné dans un boa plucheux. On n’y prêche ni l’obsolescence, ni la décroissance, ni même la désobéissance. 91 votants, pas tout à fait autant d’habitants, deux lavognes, un […]
3 décembre 2019

J’ai signé d’une grande croix

« Il est rappelé que l’entrée est strictement réservée aux véhicules des personnes handicapées ». Le panneau n’a pas bougé encore ferré sur ces quatre rivets. La grille était ouverte, je suis rentré. Silence monacal, ciel chargé, vol de pigeons en rafales. Herbe grasse, pissenlits charnus, allée détrempée, je suis monté sur un petit talus. Sans salut, ni connu, peut être craignais je d’être vu ? Je me suis perché sur ce qu’il reste d’un beau muret couvert d’une mousse épaisse. Sous mes pieds, des tonnes de gravas, le grand fracas, des tonnes de briques concassées, déchiquetées, des tonnes de planches brunes à construire mille abris de fortune. Face à moi, la chapelle St Michel, murs éventrés, trous béants comme des abcès purulents…j’ai subitement repensé à Sarajevo, la fin du siège, les façades criblées d’impacts, les fenêtres muettes offertes aux vents maudits dévalant du Mont Igman, ces petits vendeurs accroupis, l’air maudit, au pied du marché Markale encore détruit par les tirs d’obus. Et puis ces églises aux clochers pointus, pillées, déchiquetées sous le feu des roquettes…. Je suis passé devant un banc. Combien d’hommes, de femmes en fin de vie, ont pensé, assis là, les deux mains sur les genoux, les yeux loin de tout, au dernier lendemain sans rien. J’ai escaladé un vieux tronc gisant au sol. Au loin, par delà les gravas, j’ai vu l’autel toujours sur son socle…je me suis avancé…je suis rentré dans cette nef aux murs blancs, vaste navire échoué, fragile carcasse ouverte sur […]
3 décembre 2019

Aligot Boxe sur l’Aubrac

La cabrette a fini de grincer, les sabots ont fini de claquer, premier combat, deux jeunots se penchent entre les cordes, à peine sortis du bac à sable, casqués, gantés pour un premier combat. Petites guibolles frêles mais ça frappe fort, les joues se déforment, ça avance, ça recule. En bas du ring, le frangin filme en facebook live, un gaminou sautille comme une puce «moi aussi je veux boxer», le père de dire «toi tu te calmes». Verdict, on lève un bras droit, un bras gauche, égalité. Quand la boxe s’invite en terre d’Aubrac à l’heure des premiers frimas, on dresse les nappes blanches, on tamise la lumière, on met le rosé au frais, les petits plats dans les grands, c’est le pâté en tranche, c’est l’aligot qui file, c’est la viande qui fume, on sait recevoir et sur le ring, baigné d’une lumière rougeoyante et puissante, les gars…et deux filles…font le spectacle. Les assiettes valsent, bang bang, les coups pleuvent, les  convives s’émeuvent. Les plats défilent, bang bang, les gauche–droite s’enchaînent, sur les chaises, ça frétille, sur le ring, ça vacille. C’est déjà l’entracte, les huiles se serrent, Préfète en jupette, sénateur grand et sec, Jean Valadier le poids lourd de l’Aubrac au centre de cette lignée d’élus et de notables. Applaudissements, ils reçoivent en cadeau un couteau de Laguiole. Sur le ring, le speaker en costard déclare « va falloir donner un euro». Tradition oblige. Au pied du carré rouge, Miss Aubrac riboule des yeux de velours. Un […]