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9 janvier 2020

« ici on est bien dans notre petit coin ! »

  Arnac sur Dourdou, au pays des fraiseuses   Première à gauche au premier lampadaire, une forte descente, la mairie d’Arnac sur Dourdou se cache en contre bas du village. Au bord d’un vaste pré et de petits jardinets où les herbes folles se sont recroquevillées dès les premières gelées. Passé une ruine, une petite flèche en bois indique de contourner sur la droite le long du feuillage. Autrefois, cette habitation abritait l’école communale, au temps ancien des instits à la règle légère, des élèves au piquet et oreilles frictionnées où les cours élémentaire et moyen ne faisaient qu’un. Ce petit bourg allongé au déboulé du Rimoustel, un ruisseau sauvageon échappé des escarpements du Roc Bituir, ferme la marche au rang des villages les moins peuplés de l’Aveyron. 34 habitants seulement, 34 survivants, 6 à l’année au village, 11 à La Mouline, vu de Rodez, la capitale et son musée Soulages, à deux bonnes heures d’une route sinueuse, ce n’est que bouchée de pain d’un aigre levain dans la France des oubliés. Aujourd’hui lundi, Fernande Singer est à son bureau de Maire. A sa droite, la secrétaire met en forme le prochain bulletin municipal, les élections approchent et Guy Sales, un ancien cheminot, l’un des sept élus au conseil s’arrache les yeux sur le plan cadastral à la recherche d’un vieux sentier communal. Au fil du temps, Arnac a perdu son école, son curé, son bistrot, sa culture des fraises qui faisait du village un petit paradis «c’était la richesse […]
3 janvier 2020

Nuit bleue sur le Lévézou

  Lune curieuse, lune précieuse, lune rieuse. Juste un croissant. Je l’envie ainsi à demi-cachée, à demi-voilée. Comme un sourire parfait dans le noir bleuté d’un ciel encré à l’excès, lèvres pincées, libre de glisser ainsi, sidéral, dans ce vaste caravansérail astral. J’ai rendez vous avec le nouvel an. Sur cette route du Lévézou qui me mène je ne sais où un soir de réveillon sans cotillons ni Patrick Juvet sur le microsillon. Pas besoin de se mettre sur son 31 pour vivre ainsi un 31 en libre farandole pour sagittaire noctambule sans baby doll. Pour seul guide ? Ce croissant de lune espiègle, se cachant, se dérobant, s’évanouissant puis réapparaissant tout sourire au gré des nappes de brouillard se déchirant ici et là à l’heure des cris aux loups et du hibou. J’ai donc rancard avec ce grand bazar d’une année en reddition pourchassée par une nuit infinie. Sur le Lévézou, je plonge dans le flou. Ca oblige au silence. De toute façon, ya-t-il plus à dire ?  Ya-t-il plus à réfléchir ? Si proche des douze coups de minuit à cavaler ainsi dans le sillon ondulant des grands champs. Ca oblige au regard perçant dans le halo des phares éclairant. Pour ne voir que l’essentiel, pour fuir le superficiel. Je suis en confiance. Je rentre dans la confidence, aspiré par ce V de lumière dans lequel défilent sur les bas côtés murets, fossés, piquets bien alignés et arbres tordus, fourbus par tant et tant de conquêtes sur les vents assaillants. Je […]
27 décembre 2019

Les couleurs de Belleville

  JUST GO WITH MY PINCE A VELO   Aujourd’hui, ma fille a 20 ans. 20 ans, c’est l’âge de tourner en rond ou de grimper des éperons. 20 ans, c’est l’âge de gueuler ou d’se résigner. 20 ans, c’est l’âge des grandes vadrouilles, des grandes illusions, de la débrouille. Pour se trouver, se prouver, de définir, agir. A 20 ans, ya plus besoin de bougies, de repas aux sushis, ni de parfum au patchouli. Je lui dis «allez viens, je t’invite à Belleville». Elle me répond «Belleville, mais c’est bidon» J’ai pensé « ouf, j’ai échappé à « OK Boomer ». Je la taquine « tu veux qu’j’ te chante du Souchon «j’suis bidon» ? Elle me tape sur l’épaule «ok, j’oublie les talons hauts, je vais jouer le p’tit oiseau». Manteau sur le dos, nous avalons les quatre étages en rigolant, en sprintant. Premier en bas, je me retourne « alors le papy boomer, il est bidon ?». Dehors, pas de bus, des Uber englués, étranglés. Pas de Vélib, je lui dis « à nous Belleville, à pince, on va faire les urban sapiens». Première impression, de si bon matin, des Deliveroo en maraude, sans pince à vélo. Plus loin, à l’angle d’une rue, sous une enseigne jaune, une porte ouverte, un local aux murs blancs, des livreurs Fritchi, assis sur leur cadre de vélo, petit peuple, sans phare éclairant, sur le petit plateau de la malbouffe connectée. Ca parle wolof. Ils se caillent les os.  Je pense «Pauvre de nous». J’ai envie de fredonner le […]
16 décembre 2019

je veux juste rester perchée

  J’aime les petites routes qui se la coulent douce, louvoyantes, coulantes, dans une nature qui glousse tendrement. La D12 entre Camarès et Brusque est de celle-ci. Vu du ciel, ruban noir sinueux presque paresseux, plaqué en fond de vallée. Tout en courbes et déliés comme une écriture fine, cherchant une porte de sortie, sans exclamation, sans point d’arrêt. Passé Brusque, passé les vieux entrepôts Rouquette, elle passe de 12 à 92 et devient coquine et cabotine. Elle perd de sa largeur, elle prend de la hauteur. La vallée se creuse, en contre bas, le Dourdou bordé dans son lit, n’a plus aucun garde fou, impétueux et sinueux, assaillant et fracassant. J’écoute Alex Beaupain, il chante «cours camarade, le passé est derrière toi». Le mot «cours» me fait bien évidemment sursauter. Il fait sombre, je mets les phares, il enchaîne «le vieux monde sent la poussière». La mélancolie de Beaupain colle au pare brise comme une nuée de moucherons un soir d’été ronchon. Je passe Arnac sur Dourdou. Est-ce le vieux monde ? La plus petite commune de l’Aveyron, trente cinq habitants, seulement six à l’année. Sont-ils vénérables, adossés à leur passé, sans pacte ni compromis, sans truquage ni pont levis ? Je passe vite, je me promets de revenir. Que l’on me conte l’histoire du charretier Cros, du curé Cloustaquart, de Caïfa, le marchant ambulant…Beaupain fredonne encore « le passé est derrière toi». J’aimerai le contredire. Le passé est bien devant moi. J’étais prévenu, la D92, c’est la route […]
16 décembre 2019

Bassons, Calvin, confessions impossibles ?

  A quelques heures près, nous apprenions dans la douce lumière d’une simple vérité bonne à écouter, le retrait de Christophe Bassons de l’AFLD. A l’opposé, nous apprenions la sanction de Clémence Calvin, dans la noirceur d’un sombre couloir où se placardent à la mauvaise colle les fausses vérités. Une coïncidence ? J’ai presque envie d’y croire. D’un côté un homme dans la résistance, dans le combat des plus viles vacheries d’un monde lâche et sans pitié. A l’opposé, une jeune femme dans l’impasse, dans l’énigme, dans le vertige, dans le fracas. Au soir de ces deux « nouvelles », je les ai imaginés dos à dos dans l’immense salle du palais des glaces, chacun se retournant pour se mettre en joue…Quel face à face ! Chacun leurs armes, des mots simples qui claquent. D’un côté un homme qui avec sa voix douce à raconter des histoires de contes et d’épées se libère et demande « mais pourquoi ?» de l’autre une femme enchaînée et emmurée dans un poison de silences se braquant « mais vous ne savez rien ». Dans ce jeu de miroirs, écho contre écho, quelle dissonance ! Christophe Bassons, c’est un gars simple, nous nous connaissons depuis plus de 15 ans. Odile et moi, nous nous sommes souvent repassés l’image de ce grand gaillard aux joues creuses, aux omoplates creuses avec son grand short sur la ligne de départ dans la nuit des Templiers. La veille, au sortir d’un petit colloque consacré au dopage, il nous […]