admin3528

17 avril 2020

Les Templiers dans 165 jours, c’est dans un siècle !

MILLAU-VID   « Gilles…Gilles… »…Cette voix, plus exactement cet accent, je le connais, un mélange de titi parisien et ce phrasé si particulier du centre de la France, pour être plus précis du côté de Saint Amand Montrond. Je me retourne, c’est bien elle, celle qui fut autrefois poissonnière aux Halles de Millau avec comme vous pouvez le deviner, une certaine gouaille pour vendre rougets, merlus et autres grondins, sur le flanc gisant, les écailles luisantes «Ah, j’en peux plus de ce masque» et d’ajouter dans la foulée vite fait bien emballé «alors les Templiers, vous y croyez ?». A question directe, réponse évasive, réponse de Normand (que je ne suis pas…) «on verra». J’ai fait pivoter ma main, face dorsale puis face palmaire pour ajouter « allez, c’est du 50/50 ». Au 32ème jour du confinement que pouvais-je dire de plus ? Afficher un optimisme stupide et infantile ou bien me rouler dans le catastrophisme ambiant, j’ai choisi la voie médiane comme lorsque gamin on apprend à marcher sur le bord d’un trottoir, les bras écartés, bouts de pied tendus, à chercher un équilibre fragile. J’ai poursuivi mon chemin. De loin, j’ai vu Christian traverser le boulevard, blouson bleu des Templiers sur le dos et casquette blanche reconnaissable. Avant même qu’il ne stoppe à cinq mètres de moi, je connaissais déjà la question «bon alors, faut-y croire ? Tu le sais moi pour octobre, je suis prêt». J’ai rassuré comme je pouvais ce bénévole dévoué qui chaque année, sans […]
16 avril 2020

« Je t’apporte un morceau de chou »

  MILLAU-VID   Texte et photographies réalisées à Saint Martin du Larzac, commune de Millau, au 30ème jour du confinement.   La lumière est toujours là. Le Larzac des champs, à contre courant, le Larzac des lavognes, des nobles besognes. Le Larzac de brume, de baumes et de buissières. Pas étonnant que les hommes, les femmes en soient fiers de leur plateau d’argent, ciselé, tailladé, rampant, de leur Rajal couleur pourpre sous le vent d’autan. Guère étonnant que le vent y trouve grâce, à tournoyer, à louvoyer, à jouer les garces. Sans muselière, sans porte-voix, en aboyant, en hurlant. Le Larzac peut grincer, chantonner, siffler à nos oreilles. Il peut s’éteindre, briller, s’effacer, à jamais pareil. La lumière est toujours là.   Dans cette buissière, elle tire des lignes, elle fuse, elle perce le mur végétal. Elle ricoche sur la pierre, elle rebondit sur ces racines en souffrance, sur ces troncs noueux, parfois coudés, parfois déliés. Elle est opaque, compacte, sombre comme un tombeau. Elle est puits de lumière, puits de fraîcheur, puits de silence. Le vent la caresse par la cime, le vent s’y casse les dents. Elle est pénétrable, impénétrable lorsque l’homme l’abandonne. Elle s’enfuit, droite, puis elle ondule, elle s’épaissit soudain, elle s’éclaircit, puis plus rien. Seules quelques roches noires alignées, quelques clapasses ajustés, empilés, triés sur le volet. Puis le tunnel se reforme, en ovale, en ogive, en obus. A nouveau le sombre, l’obscur, à nouveau une enfilade, une chicane. Puis l’espace, comme une offrande. Soudain, […]
15 avril 2020

Un monde libre sans covid

  MILLAU-VID   «J’ai un ami qui me dit toujours « une pioche, tu la laisses à un coin de rue. Tu reviens le lendemain, tu peux être sûr que personne ne l’a touchée». Au loin, j’ai vu Cyril torse nu, un nuage de poussière à ses pieds, une pelle à la main et une pioche plantée juste devant lui sur une petite butte comme une hache de sioux dans une planche goudronnée. La Pouncho se découpait dans un ciel bleu azur, un grand beau panaché, notre Mont Blanc se mouchetant d’un vert pur et attendrissant. De l’autre côté de la chaussée, de l’autre côté d’un grand mur, une famille chantait et parfois hurlait à plein poumon. J’ai pensé «ils se retapent l’intégrale des 41 buts de Platini en sélections internationales ???». J’ai décroché le petit cercle torsadé de fer blanc fermant le portail et je suis rentré dans cette curieuse plaine qui ondule bizarrement au pied du Tarn et d’une haie de peupliers comme si une colonie de taupes géantes s’en était donnée à cœur joie pour creuser, brasser, soulever et façonner cette terre légère et sablonneuse, presque dunaire. La taupe, ce petit animal fouisseur, le museau au grand air, n’est autre que Cyril Duverbeck. Depuis le confinement, sur ce terrain qui approche l’hectare, il tond, il scie, il cloute, il redresse. Il chasse les mauvaises herbes, il arrose les arbres, des érables, des frênes, sa fierté. Il surveille les nichoirs à mésanges qu’il a posés. Il lâche le manche de […]
14 avril 2020

Quand les Carapaces se fissurent

  MILLAU-VID   Quelle que soit la raison, il y a toujours un côté très solennel à monter les marches d’une mairie. Pas à la Chaban-Delmas sur le perron de son duché d’Aquitaine, la serviette sous le bras, la foulée alerte et le sourire bright écarlate. Non… ! Avec silence, à pas feutrés sur le velours rouge de l’escalier, en tenant ferme la rampe de bois verni, un clin d’œil bref aux visages de granit, aux peintures à l’huile représentant ces notables d’autrefois, abbés, avocats, écrivains qui ont œuvré pour le bien de la cité. Pour atteindre enfin le sommet, la salle du conseil. Ce n’est pas un lieu que l’on tutoie, où l’on s’adosse les épaules courbées à un mur. On évite de faire grincer le parquet, de s’asseoir sur le velours brossé, on se loge dans un des coins, dans une douce pénombre à l’écoute de voix lointaines. Et on attend. Plus que jamais, j’ai ressenti cela en grimpant les marches menant au premier étage de la mairie en ce jour de réunion de crise, dans cette grande salle carrée au bureau ovale. Une pièce dépouillée qui invite à la concentration, un écran blanc, un plan de Millau vu du ciel et cette peinture signée Lucien Lapeyre auteur de nombreuses scènes retraçant l’épopée napoléonienne. Celle accrochée au mur est de celle-ci, un hussard et deux soldats en bicorne en discussion au pied d’un chaudron avec un vieil homme, travailleur des champs, saboté et appuyé des deux mains sur […]
13 avril 2020

Un M en signe de résistance

  MILLAU-VID   Hier, ce fut Pâques. Et Pâques sans chocolat, c’est comme Le Tour de France sans maillot jaune. Alors, j’ai mangé une tablette de chocolat. Mais ce ne fut pas suffisant. Alors, j’ai ouvert vigoureusement le frigo, la porte a tremblé, les bouteilles ont tinté. J‘ai sorti sauvagement un pot de Nocciolata, une pate à tartiner à base de cacao et noisettes. Et goulûment, j’ai tapé dedans, la cuillère en marteau piqueur, j’ai touillé, j’ai creusé, j’ai léché, jusqu’à l’écœurement. Voilà c’était Pâques confiné, sans poules, sans lapins, sans poissons moulés enturbannés, cette petite ménagerie docile prête à croquer que l’on cache grossièrement au pied d’un laurier pour déclencher gambades et aubades pour petits enfants gourmands. Ce matin, c’était Lundi de Pâques, le huitième jour de la semaine sainte, encore une semaine contrainte, le huitième jour de la semaine radieuse, encore une semaine contagieuse. Avant de partir, j’ai compté, nous étions le vingt-huitième jour du confinement, nous étions donc rentrés dans le temps long. De si bon matin, la Zone Industrielle du Fialet est silencieuse. Certes la A75 est vide, certes la D911 est vide, tout juste un camion de lait ronronnant en fonçant vers St-Beau ? Vezins ? Ou Pont de Salars ?…Allez savoir ? Mais ne forçons pas le trait, ce serait travestir la vérité. Jour férié avant tout, jour de convalescence forcée, c’est calme et ya rien de plus normal. Seuls les camions destinés au ramassage des ordures ménagères rentrent au bercail. Petit tour et […]