admin3528

6 mai 2020

Des vaches, y’en aura toujours !

MILLAU-VID et LAISSAC- VID   Depuis le 7 janvier, chaque mardi, chaque matin, 5 heures sonnées, je prends la route de Vaysse Rodier, direction Laissac. Cet hiver, je l’ai connue enneigée, verglacée, simplement embrumée. Mais je l’ai surtout affrontée méchamment noyée dans un épais brouillard, à rouler le nez sur le volant à espérer vivement que ce drap blanc se déchire en plongeant dans la descente des Palanges fantomatique et hypnotique. C’est une route un brin joueuse et malicieuse. Elle peut surprendre les petits malins. Elle est sournoise et hasardeuse car mine de rien, du haut de ses 1000 mètres d’altitude, passé la Croix des Pathus, elle prend tous les vents, tous les mauvais grains, les premières neiges voltigeuses et accrocheuses, les brouillards les plus insistants sur cette croupe assagie mais si mal léchée. Très franchement, la RD 26 ne craint ni les rhumes, ni les engelures.   En ce 50ème jour du confinement, pour la première fois, j’ai pris la route jour naissant pour arriver à Laissac au grand jour réjouissant dans une belle lumière rasante, éblouissante. Le marché aux bovins avaient donc repris ses habitudes après six semaines en sommeil. J’ai vite retrouvé mes habitudes. Sortir les bottes, agrafer son badge puis longer les camions à cul fumant empestant dans l’attente de rentrer dans l’enceinte du foirail. Le bistrot, La Patche, était ouvert, j’ai rencontré Claire. C’est la patronne, une épaule collée à l’embrasure de la porte. D’ordinaire, le bar est déjà noir de blouses noires, bruissement sourd, […]
4 mai 2020

Et bien dansez maintenant !

  MILLAU-VID   Un 1er mai sans muguet, ce n’est pas un 1er mai, un 1er mai sans manif, sans pancarte CGT et l’Huma sous le bras, ce n’est pas un 1er mai, un 1er mai sans le souvenir de Georges Marchais, ce n’est pas un 1er mai, un 1er mai sous une flotte à grand rideau, ce n’est pas un 1er mai. Car pour un 1er mai, on a envie de mordre dans un printemps moelleux et savoureux comme une part de flanc. Sentir la pâte brisée craquer sous la dent, deviner le parfum de la vanille puis doucement sur la langue, sentir couler le caramel épais avant de mordre tendrement cette crème épaisse et légèrement vibrante. Je suis arrivé à Micropolis sous une pluie couleur vinaigre blanc, jouant la rumba à grands fracas sur les vérandas de ces belles maisons s’étageant sur les coteaux de St-Léons, le château se devinant en contre bas, belle forteresse qui invite aux envolées romanesques. Micropolis, il faut s’y rendre avec une âme de bambins, une épuisette à souvenirs sur l’épaule. Des sensations, des gratouillis, des mimines, des vols intrépides, de maudites piqûres parfois. Il faut avoir tenu un hanneton vous chatouillant le creux de la main ou se faire pincer le bout du doigt par une lucane. Il faut avoir admiré la menthe religieuse se pavaner, fière et altière. Il faut avoir fait un vœu au décollage d’une coccinelle, légère comme de la dentelle. Il faut avoir admiré de loin l’apiculteur récolter […]
3 mai 2020

Et merde, si rien ne changeait

  MILLAU-VID   Il n’y a rien de perdu, la route est encore là. Elle est droite, elle est courbe, elle est belle, elle est tunnel, Elle nous résistera. Il n’y a rien de perdu, la rivière est encore là. Elle court, elle ralentit, elle est rebelle, elle fait la belle, Elle nous résistera. Il n’y a rien de perdu, les villages sont encore là, Peyre, Candas, Le Pinet, Le Truel, Ils nous résisteront. Il n’y a rien de perdu, les barrages sont encore là, Arcs de béton, remparts en escadron, Ils nous résisteront. Voilà, j’ai repris la route, devant moi, Enfin, je n’étais plus hors la loi. J’ai posé le stylo, des doutes au kilo, Au tapis, un gros tas de dominos. Je rêvais d’un Giro, d’une belle envie, d’un perpète-les-oies, J’ai serré les cales pieds, je ne me suis pas dit «là, tu fais quoi ?» J’ai lâché les freins, j’ai filé droit, J’ai lâché la bride, sans m’dire pourquoi ? J’ai embarqué un paquet de mots bien ficelé, Au cas ou, pour botter le cul aux reflets déjantés. J’ai embarqué un chapelet de refrains à libérer, Au cas où, pour gifler les joues creuses des mauvaises pensées. J’ai roulé, j’ai roulé, j’ai roulé, J’ai croisé des hérons cendrés, leur liberté, je l’ai enviée. J’ai roulé, j’ai roulé, je n’ai jamais freiné, J’ai croisé le silence, j’ai pensé à tous les évadés. J’ai roulé, j’ai roulé, sans me retourner, sans réfléchir «là tu fais quoi ?» La rivière […]
30 avril 2020

On ne veut pas passer pour des héros de la nation

  MILLAU-VID   Gamin, notre médecin de famille s’appelait Monsieur Bilbille. Je dis Monsieur car c’était un Monsieur, un notable, un petit bourgeois de la commune. A toute heure, pour une grippe, une crise d’arthrite, il arrivait, la moto à toute vapeur, une BM R50 noire flaque, sans casque, un peu cosaque, un peu fantasque. Je me souviens de son cabinet médical installé dans une belle maison de pierres et de briques, de son parc noyé sous les marronniers trapus et feuillus. J’y jouais souvent, un privilège, avec le sentiment de rentrer dans un royaume interdit scintillant, hypnotisant, dans les jupes de ma grand-mère Madeleine. Elle était femme de ménage chez les Bilbille. En ces temps pas si lointains, on disait «bonne à tout faire», je déteste ce terme, à briquer les dorures, à vider les ordures, à torcher les moutards, à refaire les plumards, à repasser les beaux costumes, à raccourcir et ajuster les beaux corsages à fleur de Madame, une très jolie brune toujours pimpante, épais rouge à lèvres carmin, regard sombre, virevoltant avec une aisance naturelle, envoûtante, une grâce orientale d’une Oum Kalhoum sur la scène de l’Olympia chantant sous les yeux du Général de Gaulle.   «C’est peut être mon côté vieux jeu, j’aimais bien l’idée du médecin de famille, avec ce rythme particulier, suivre une famille de la pédiatrie au grand-père». A ma question «pourquoi devient-on médecin ?», telle était la réponse de cette jeune médecin, Amandine Yvon, que j’avais devant moi dans cette salle […]
28 avril 2020

Le bélier dans les bastons, le berger dans le peloton

  MILLAU ET SAINT-IZAIRE VID   Scoubidou, Roudoudou, Dourdou, il y a des mots, vous les jetez en l’air, ils retombent toujours sur leur pattes. Toujours prêts à se redresser, à rebondir et filer l’ait léger, frétillant, une main tendue, un doigt tendu, manière de dire « allez suis moi, attrapes moi si tu peux !?». Dourdou, je le soupçonne d’être encore plus espiègle, plus torsadé mais parfois, par surprise, gracile et docile, le genre de petit mot que l’on cache sous son oreiller comme une dent de lait, pour quémander une offrande chamarrée, pour se souvenir d’un parfum caché. Le genre de petit mot à mettre dans sa bouche, comme un gros berlingot, coincé joue gauche, joue droite, à faire rouler tel un rouet pour filer le bon sucre mordoré. Le Dourdou permet ce genre de digression, de rêverie enfantine, le Dourdou, c’est en toute simplicité le nom d’une petite rivière chenapan qui venue de Brusque puis du Rougier s’est taillée une belle vallée aux abords assagis, s’offrant même quelques fantaisies, quelques belles courbes en ourlets et boutonnières, Magdas, Montlaur, Le Cambon, Saint-Izaire et sa forteresse médiévale avant de mourir dans le Tarn au pont de Beluguet. Le Dourdou est espiègle et docile. On le croit paresseux, à prendre son temps tout en déliés, ses petites plages sablonneuses et rafraîchissantes, sa robe pourpre affriolante mais trompeuse. Mais c’est se méprendre car cette rivière peut piquer et rugir de grosses colères. Explication «regardes, tu vois la hauteur de la fondation» […]