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25 avril 2020

« J’avais besoin de me sentir utile »

    MILLAU – VID   Le pin sylvestre est malicieux, impérial. Il grimpe, il grimpe droit, fier, rectiligne pour caresser le ciel, «directicîme». Il ne s’occupe que de lui-même avec cette liberté en offrande. Il grimpe les étages, il ne craint pas les commérages. Il devient vénérable, intouchable. Le pin sylvestre est noble, chapeauté d’une belle tignasse, épaisse, dense. Il regarde de haut ces petits chênes poussés ici et là dans la souffrance, plus bas encore, ces petits buis qui se trémoussent, certes libertins poussant ici et là, mais petits nains des pins. Le pin sylvestre est tourmenté, capricieux voir espiègle. Il prend des virages inattendus. Il se courbe, il se tord, il se noue, il part à gauche puis retrouve la marche du ciel. Avec souffrance ? Si seulement il pouvait s’allonger pour se confier sous une lumière tamisée ? Je suis accompagné de Claire et Olivier. Nous marchons dans ce grand carré de forêt naturelle, coincé entre la route des fermes au Sud, la voie communale de Pierrefiche à l’Est, le domaine de La Salvage au Nord et les Baumes à l’Ouest. Il y a bien des dômes, des huttes, des yourtes, ici et là, nichés, lovés, mais il y a surtout ces pins majestueux, un brin taquin à s’évader parfois tortueux et noueux, pieds de nez à tous les équilibres, doigts d’honneur à toutes les lois de la nature, le pin messire qui ose toutes les arabesques les plus extravagantes. « Toi, qui es tu ? […]
24 avril 2020

De l’or blanc, de l’or vert

  MILLAU ET ROQUEFORT-VID   Des fleurs en ribambelle, une caresse sur la joue, tendre quotidien, En bande, en sarabande, comme des massifs coralliens, Le lilas blanc ou rose pour chasser le morose, La giroflée, en escorte, en main-forte, en osmose.   Migraineux, chapeauté, le spleen en prise, en capeline, Baudelaire se devine, son ombre, seul sous la bruine, Sa mélancolie, vile harmonie qui bat des ailes, Dans la pénombre du soir à chasser les infidèles.   Au balcon, grand tour d’horizon, des ciels fiévreux, chassieux, Des nuages en cavalcade, dans un ciel giboyeux, Ciel de goudron, à faire grincer les violons, Nuages enchâssés, à portée de mains, montgolfières ou édredons.   Je frôle des camions et encore des camions, Des allers, des retours au petit jour, tout à reculons, Faut lâcher le mégot, coup de volant, tout au rétro, Piano, piano, vitre baissée, faut pas être manchot.   Dans les fissures, dans la froidure, le petit peuple des laborieux, En forteresse, pour que le blanc marbré devienne crémeux, En charlotte, en bottes, en tabliers comme des redingotes, Soudain, le silence des besogneux, la ville est calme, on me chuchote. Photographies réalisées les 20 et 21 avril 2020 au 36 et 37ème jour du confinement à Roquefort sur Soulzon – Aveyron
22 avril 2020

L’épée de Damoclès, à jamais dans son fourreau

  MILLAU – VID   Le Sot ne se distingue pas vraiment de la petite route reliant Montredon à Pierrefiche. Prudence pour celui qui ne fréquente pas régulièrement ce coin de Larzac qui se déroule comme un grand drap de velours dans la plaine de Pierrefiche pour s’interrompre brutalement en cascade, dans un chaos de plis, de ravines et fissures couturées, dans l’impétueuse Dourbie. Il faut surveiller attentivement chacun des quatre embranchements reliant fermes et hameaux isolés, le Mas Razal et son petit panneau en bois, puis les carrefours des Mares, de Cavaliès et de La Resse. Et si vous tombez sur votre gauche, sur le calvaire de la plaine, le demi-tour s’impose, le Sot, c’est juste dans votre dos.   La piste est poussiéreuse, il faut rouler au pas. Passé un petit dolmen guère plus gros qu’un camembert avachi, premier poulailler, des gallinacées en vadrouille, ça grouille, ce n’est pas Sigean, c’est apaisant. Au loin, de puissants cumulus moutonnent et s’accouplent sans vergogne dans un ciel d’un bleu pur, sans rature. Je cogne à la porte, je suis donc au Sot chez Françoise Maurand et Benoit Lejeune, éleveurs de volailles bio.   J’étais attendu comme on accueille le pèlerin trempé et transis, les lèvres gercées en méharée sur ce GR 71, ce chemin noir traversant la propriété, autour d’une table, d’un verre, du chaud, du froid et d’un beau bouquet composé d’une simple branche coupée d’un arbre fruitier.   Françoise s’est assise à ma gauche, les jambes croisées, le […]
21 avril 2020

Les Grands Causses, ce n’est pas de l’esbroufe

  MILLAU-VID   Click and Mortar n’ont jamais joué sur la scène du Bataclan…Ils n’ont jamais traversé la Manche pour faire la première partie des Skunk Anansie aux Vieilles Charrues…Non, non et non, vous n’y êtes pas du tout, Click and Mortar, cela n’a strictement rien à voir avec le rock anglais qui en plein Brexit fait renaître de nouveaux groupes qui empoignent les Fender avec rage et colère. Click and Mortar, on peut traduire cela par Click et Mortier. Le bruit sourd et régulier du pilon frappant le fond du mortier, le lien tenu avec la musique s’arrête là en fond de garage. Circulez ya rien à voir. Click and Mortar désigne tout simplement les entreprises traditionnelles de vente grimpant à toutes jambes dans l’ascenseur du e-commerce. Celui qui raconte cela, c’est Guilhem Prax assis en face de moi sur un gros coussin de mousse. Sa boutique est fermée, la pluie frappe fort la baie vitrée en lames brisées. Dehors, par deux fois, une voiture de police passe au ralenti. Au micro, on entend distinctement le message «respectez les consignes de sécurité». En 2007, Guilhem est en terminale Science Technique et Gestion option informatique. Pour l’oral du BAC, il choisit de présenter le concept Click and Mortar sur la base de plusieurs exemples concrets. La mémoire lui revient, un soupir, il cite Darty, le jury est conquis, un 15 ou 16 arrondie la moyenne, le BAC est en poche. A 18 ans, Guilhem est un peu geek, un peu […]
19 avril 2020

Le confinement, ça gratte, ça gratte

  MILLAU-VID   La 2CV, c’est comme la vespa, c’est un art de vivre. C’est la simplicité, ce sont des formes uniques, une silhouette indéfinissable avec ce bombé, ces galbes, ces courbes, sans oublier les détails, les phares, les sièges, les roues, le coffre, le rétroviseur, les freins. C’est aussi un bruit, reconnaissable, identifiable même place de la Concorde. Certains disent «ce sont des oeuvres d’art».   Je l’ai entendu arriver de loin, ce cliquetis précis, pas vraiment perché, un poil dans les aigus, assez incisif pour identifier cette deuche allant bon train au pied des remparts. Place de la Mairie, dans un virage à droite, elle s’est inclinée légèrement, pas de changement de vitesse, tout en seconde, bruit renforcé, légèrement perché. Le bolide juste garé devant moi, je demande à la conductrice, une baguette sous le bras, vite achetée au boulanger des remparts «elle va bon train votre voiture ?».   Il est 8 heures, La Cavalerie se réveille en douceur. Pas un képi blanc dans les rues, la Légion somnole. Pas un souffle de vent, le drapeau gît en berne, enroulé sur son mât comme un serpent, tête en bas. Devant l’entrée du régiment, le planton de faction est emmuré et figé sur ses deux jambes comme une âme en peine. A quoi pense-t-il ? A sa patrie lointaine ? A son amoureuse lointaine, belle comme un Hawaïenne ? Non loin, seuls quatre troufions tripatouillent dans un buisson, l’un deux, d’un fort accent russe me lance «ben oui, […]