admin3528

10 novembre 2019

Pause café à petites foulées pour garçons de café

Le matin, c’est pas très compliqué pour me trouver. Je bois mon café place du Mandarous, là où le ristreto est brun, crémeux, épais, puissant. Je n’ai pas une place attitrée. Au gré des banquettes laissées libres par les lèves tôt comme moi qui viennent se poser les coudes sur le zinc ou sur l’une des tables pas encore poisseuses. Il y a le boucher, sa blouse blanche n’est pas encore maculée, ça parle de foot. Je n’y comprends rien. Il y a un jeune retraité. Lui, c’est un nouveau, pas d’ici. Je dirais ancien prof intello. Par les petits carreaux, je l’observe. Dehors, il fume sa clope, il rentre, chope Midi Libre. Il sort son BIC, les mots croisés ou fléchés, c’est son petit labyrinthe cérébral matinal. Il y a Nadège, elle parle fort, on ne comprend pas toujours. En si bon…ou mauvais…matin, elle est parfois dans les brumes d’un sommeil ravageur. Elle appelle le serveur « mon chéri ». Le jeune homme habillé d’un petit gilet cintré est sympa avec la dame bien cabossée. Il se prête au jeu, lui fait la bise, penché, le plateau à la main, à farfouiller dans ses poches ventrales à monnaies. Pas loin du comptoir, Il y a mamie, le serveur l’appelle « mamie ». Elle essuie, elle balaie, elle frotte, elle astique, elle range. Parfois, elle se met au perco. Elle regarde le noir coulé comme de l’or en fusion. De ses doigts fins, elle prend les tasses, un sucre et un biscuit le tout […]
3 novembre 2019

Des chrysanthèmes pour l’Amassada

Je me souviens d’une piste noyée dans un brouillard épais comme du saindoux. Je me souviens de notre « deuche » se dandinant tranquillement, les essuies glaces en rafale, la tirette du chauffage toute à droite. Je me souviens de cet arrêt quelque part, un nul part, sans forme, sans contour, dans un silence isoloir, sans pouvoir distinguer le moindre muret, le moindre bâtiment, la moindre cheminée de la ferme des Homs. Je me souviens avoir grimpé sur un talus, avoir tourné en rond comme un chien de garde sur les rebords indécis de cette petite dépression, en quête du moindre bruissement. Je me souviens m’être posé cette question « mais elle est où cette éolienne ? ». Un jour de Toussaint sur la route de Saint Victor et Melvieu, les Raspes fouettées d’une pluie en rideau, incisive et punitive, les souvenirs sont remontés à la surface comme lorsque l’on brouille le sédiment pour faire briller le mica. Les souvenirs dilués d’une virée sur le Larzac, ma première, à la recherche de cette éolienne financée par des dons participatifs. Le crowdfunding n’existait pas. Autre temps, autre méthode, on remplissait un chèque avec un BIC, le montant en francs faut-il le rappeler !, on découpait un bon dans « Le Sauvage » – fallait-il être abonné à cette première revue écolo créée en 1973 – on léchait le rebord d’une enveloppe et on postait le tout dans la première boîte aux lettres venue, trônant au coin de la rue. Viva la […]
28 octobre 2019

Les deux pieds dans le cercle

Matin d’automne, au Coopérateur, ya p’tite foule, Sous les platanes, petit vent d’autant, terrain du fond, ça grenouille. Les deux pieds dans le cercle, un homme un peu bouboule, Le tee shirt qui moule, les yeux qui riboulent, Une petite tête de citrouille, une bonne bouille. Assis sur un banc, l’éduc l’invite « allez sois cool » Des deux mains, il fait claquer le métal et balance la boule. Elle roule, elle roule, elle roule, Sur un sable fin comme de la semoule. L’homme se tord, vrille et ondule comme la houle, Il s’agenouille, il sert des points, il bafouille, La boule quitte sa route, destination….Kaboul. A ses côtés, un homme à la casquette lui glisse « allez ma poule »     Photographies réalisées le samedi 12 octobre 2019 lors d’une concours de pétanque Sport Adapté sur le terrain du Coopérateur à Millau – France
22 octobre 2019

Sans bougies à souffler

12 heures 30, BANG BANG, les vitres tremblent, face à nous, de l’autre côté de la rivière, quartier Belluges, un nuage de fumée s’échappe d’un toit. Nous sommes médusés, les bras ballants, le souffle coupé, le silence dans les rangs. Une maison prend feu. Consternation dans l’équipe, chacun se regarde avec cette petite lueur dans les pupilles qui ne ment pas, sentiment fort, puissant d’avoir pris très justement l’unique et bonne décision en ce jour de Templiers. Ne pas dépasser ce fil rouge invisible au-delà duquel vos pieds glissent dans le précipice, nous n’avons pas cédé. Une organisation, ce sont cent, mille petites et grandes décisions dans le cœur de l’action. En ce jour de Templiers, une seule, juste une seule fut prise, décisive, l’annulation. Au loin, la fumée se fait plus dense, on devine parfaitement un point rouge, les pompiers sont en action pour sauver cette habitation. En direct, c’est du Brut, les langues font la java, commentaires et bandes son en live. Pour autant, faut décoller le nez de la vitre, le temps presse, nous sommes sous pression pour recomposer l’équipe, une grande chaîne de solidarité, les fidèles des fidèles, des bénévoles d’un jour pour toujours, le bas de pantalons détrempés, les pommettes rougies, la mise en plis raplapla, la mèche collée, le moral dans les chaussettes, la barbe de deux jours qui n’arrange rien aux mines déconfites. J’interpelle Alain «mais Alain, on ne va pas enterrer les Templiers». Il a redressé son petit bout de nez, on […]
29 septembre 2019

La bataille de Tiergues

Le rond point de Lauras ? Allez, il n’est guère qu’à deux cents mètres. Un demi cercle à gauche, et ces petits diamants scintillants, étoiles éphémères en rase motte reprennent l’axe d’une route plongée dans le noir. Minuscules lucioles tremblotantes, petites têtes d’épingles comme aimantées, aspirées par un puits de lumière «phéromone». Ces deux cents mètres, « bon dieu » comme disent les anciens, qu’ils sont longs avant que nous devinions de fragiles silhouettes. Des voûtées, des tordus, des marches droit aux pas cadencés, des regroupés en petits chapelets, des mains sur les hanches, ces anonymes des cent bornes, des hommes, des femmes qui l’instant d’un grand jour dépassent les bornes. Le col de Tiergues, c’est là que se gagne la bataille des cents bornes. Contre un seul ennemi, soi même. On peut se détester, on peut vitupérer, on peut s’engueuler, on peut en vouloir au monde entier, ya rien à faire, on est bien seul plongé dans sa douleur, dans sa solitude, dans sa misère, au beau milieu d’un nul part. Bientôt minuit, à St Aff., les portes ont couiné sur leurs gonds, elles se sont refermées sur les attardés. Pour les autres, les malgré tout, bien heureux,  c’est le demi tour, ya plus qu’à rentrer par cette longue ascension du col de Tiergues, à avaler, à vomir comme un mauvais sirop amère, où chacun, chacune traîne son gros boulet. Sous les tentes du ravitaillement, les bénévoles ont fini de chanter les tubes à la Balavoine, la daube de veau (en réalité, […]