coronavirus

27 mars 2020

Y’a pas à rougir, on produit pour soit, on vend pour toi

  MILLAU-VID   Ce matin les Halles, ce n’était pas Baltard. Visiblement, les Millavois étaient restés au plumard. Pas de petits noirs, les coudes serrés, pas de tournées, le coude levé. Le bistro était fermé, sur le comptoir, un pot de fleurs fanées. Le bar à vin lui aussi fermé, sur le comptoir, deux tabourets renversés. Un vendredi gueule de bois, des marchands sans voix. Ce matin les halles, ce n’était pas la Villette. Des emplettes vite faites, la balance d’un poissonnier dans le vide en suspens, des couteaux plaqués contre le mur, dans le vide aimantés. Poids affiché 000,00 kilo, prix affiché 000,00 euro. A l’inverse, à La Ferme d’Ambias, on fait le chiffre. On garde le sourire, y’a pas à rougir, on produit chez soit, on vend pour toi. Ce matin les Halles, ce n’était pas Rungis. Des étales en éclipses, le jardin de Cheyran en vase clos. Dans un bac à légumes, un Journal de Millau défraîchi couleur pissenlit, une édition en plein cœur des élections. Les Municipales ? Euh….c’était quand ? Un siècle déjà ?     Texte et photographies réalisés vendredi 27 mars 2020 aux Halles de Millau au 11ème jour du confinement
23 mars 2020

Faut-il craindre à ce point les bûchers ?

MILLAU-VID   Ce matin, j’ai ressorti un disque de Colette Magny « Feu et Rythme ». Pourquoi fouiner dans cette pièce tamisée ? La tête plongée dans ce meuble aux battants mal fermés ? A passer son index sur cette pile de vinyls comme autrefois chez son disquaire, l’apothicaire de la pensée, du rythme et des arpèges pièges à la mélancolie. Peut être avais-je le désir intime que l’on me déchire les tympans au sabre effilé,  d’un cri déchirant, d’une voix qui sent le goudron, le torchon qui brûle, la colle à jurons. Le disque a glissé de sa pochette, je n’ai même pas eu à souffler dessus, pas une poussière, par un cil de paupière. Je l’ai posé délicatement comme on incline sa tête sur l’épaule de celle que l’on aime. J’ai poussé le bras, la galette s’est mise à tourner, première piste, le saphir a crissé, premiers mots… «Y’a quelqu’un ? Personne. Alors, y’a personne. Mais si y’a quelqu’un. Mais non y’a personne. Enfin, c’est ridicule, écoute, regarde bien, tu vois bien.» Je lève le nez. Sur le mur, je vois cette fissure zigzaguant comme un parasite en germe cheminant en aveugle sous le tissu fragile de l’épiderme. Puis deux yeux ronds me tombent dessus. Ce petit air de chien battu, ce petit strabisme. Je me lève, je le fixe, Magny me sifflant aux oreilles «alors comme ça, t’es sûr y’a personne ? ». Des mots qui bourdonnent, qui tonnent, la grande Colette, l’écorchée vive des grandes fêtes du PSU, qui me parle ainsi, […]